Sélection variétale : La proposition de règlement pour les nouvelles techniques génomiques (NBT) dans l’impasse
Publié le 29 juillet 2024 à 07h00
Catégorie : Actualités
Alors que les discussions se multiplient, l’Union Européenne peine à établir une nouvelle réglementation des nouvelles techniques génomiques (NBT), au plus grand regret du secteur semencier européen.
La proposition de règlement pour les nouvelles techniques génomiques (NBT) patine. Cette dernière a pour but de moderniser et adapter la législation européenne en matière de biotechnologies, notamment pour tenir compte des progrès scientifiques et des nouvelles méthodes de modification génétique.
Actuellement, il y a des discussions au sein de l’Union Européenne pour décider de l’autorisation et de la régulation des NBT (New Breeding Techniques), également appelées NGT (New Genetic Techniques), dans le secteur privé des semences. Ces NBT désignent des méthodes modernes de modification génétique qui permettent, bien plus facilement que les méthodes traditionnelles, de changer l’ADN des plantes. Parmi ces méthodes, il y a notamment le CRISPR-Cas9, des « ciseaux » génétiques qui permettent de séquencer et modifier l’ADN à des endroits précis. On parle de SDN (Site Directed Nuclease) qui se décline en trois types : SDN 1, SDN 2, et SDN 3. Les SDN 1 sont utilisés pour inactiver un gène ou générer une mutation, les SDN 2 pour remplacer un allèle d’un gène, et les SDN 3 pour insérer un gène, ce qui s’apparente à la transgénèse classique mais diffère par le fait que le site d’intégration du gène est choisi par l’utilisateur et n’est pas aléatoire.
Les discussions portent plus spécifiquement sur l’autorisation de l’utilisation des SDN 1, car cette technique n’introduit ni gènes ni modifications directes. Elle utilise simplement CRISPR/Cas9 pour couper l’ADN à un endroit précis, espérant qu’une erreur lors de la réparation induise une mutation. Cette mutation peut se produire naturellement, mais statistiquement, elle est moins probable. Ainsi, le SDN 1 permet de créer des mutations au niveau de l’ADN pour désactiver un gène choisi par l’utilisateur.
Pourquoi proposer une nouvelle réglementation ?
La réglementation européenne actuelle concernant les organismes génétiquement modifiés n’a plus été mise à jour depuis plusieurs décennies. Si bien qu’elle semble aujourd’hui caduque au regard des nombreuses avancées scientifiques et technologiques qu’a connu la filière. Il semble donc urgent de prendre en considération des nouvelles méthodes qui pourraient permettre de voir de nouveaux horizons : des modifications plus précises et plus rapides avec moins d’effets indésirables, développement de culture plus résistantes aux maladies et aux conditions climatiques extrêmes. Pour le secteur des gazons de sport, ces nouvelles méthodes pourraient offrir à la recherche variétale davantage de munitions pour trouver le gazon de demain, résistant aux maladies, aux fortes chaleurs, au manque d’eau…
En outre, la nouvelle réglementation proposée se veut moins rigide que celle en vigueur et prend en considération les spécificités des NBT. Elle inclut également des procédures d’évaluation des risques proportionnées à la nature des modifications génétiques et à leur impact potentiel. Elle garantit également que les informations sur les produits issus des NBT soient claires aussi bien pour les consommateurs que les producteurs. Enfin, elle encourage et favorise la recherche et l’innovation européenne.
Un débat animé aux enjeux économiques, éthiques et sanitaires
Ces nouvelles méthodes génomiques incluent tout de même quelques interrogations et controverses, qui rendent l’acceptation d’une nouvelle réglementation difficile pour l’Union Européenne. En effet, certains craignent qu’au niveau sécurité et santé les risques ne soient pas suffisamment étudiés et considérés. Comme à son habitude, les questions relatives à la modification génétique soulèvent des questions d’ordre éthique : la relations homme/nature et le respect des processus naturels, dépendance économique, impacts sur l’écosystème et la biodiversité, iniquité entre les pays avancés scientifiquement ou non, etc.
Un statu quo qui ne fait pas les affaires de l’Europe
Euroseeds, voix du secteur européen des semences qui compte plus de 30 associations membres nationales des Etats membres de l’UE et représente de nombreuses entreprises semencières, s’est montré particulièrement déçu par ce statu quo. « Plus le processus de décision est retardé en Europe, plus nos chercheurs, nos éleveurs et nos agriculteurs perdent du temps en termes de progrès et de compétitivité », a ainsi déclaré le secrétaire général d’Euroseeds, Garlich von Essen. Alors que d’autres pays dont la réglementation est moins contraignante avance avec les NBT, Euroseeds souligne l’urgence de la situation et appelle à trouver une réglementation différenciée pour l’utilisation des NBT en Europe. « Nous demandons aux États membres d’agir de toute urgence en faveur de l’innovation en matière de sélection végétale en Europe et de fournir la sécurité juridique nécessaire à toutes les parties concernées pour soutenir les progrès indispensables dans la recherche et le développement de produits », a ajouté le secrétaire général d’Euroseeds.