Surface de jeu et blessures : Une relation à mieux appréhender

Catégorie : Pratiques

Dans un article paru sur Sportsmith, Arne Jaspers (Raw Stadia), Yannick Lambrichts (Raw Stadia) et Athol Thomson (Podiatre et chercheur scientifique (PhD)) se sont penchés sur l’importance du choix des surfaces de jeu et son impact sur les risques de blessures des joueurs.

Parmi les exigences des pelouses sportives professionnelles, l’aspect sécuritaire des joueurs représente l’une des priorités, aussi bien pour les clubs que pour les gestionnaires de gazons sportifs. L’interaction entre la surface de jeu et le joueur peut être le facteur de plusieurs risques de blessures. Ainsi une pelouse trop glissante ou trop sèche peut avoir des répercussions sur la santé des acteurs.

Mais selon les trois auteurs, la surface de jeu et ses caractéristiques doivent être mieux appréhendées afin de réduire les risques de blessures des athlètes. « Chaque surface présente un défi unique qui affecte la biomécanique, la performance et le risque de blessure du joueur. De plus, les joueurs adaptent leurs mouvements en fonction des caractéristiques de la surface », indiquent-ils.

  • Yannick Lambrichts est le chef de la performance chez Raw Stadia, une entreprise qui propose un outil de surveillance de l’impact des surfaces de jeu sur les performances des sportifs.
  • Arne Jaspers est un scientifique du sport qui travaille pour Raw Stadia et la Fédération belge de football. Il est spécialisé dans le suivi des athlètes.
  • Athol Thomson est un chercheur scientifique et podiatre spécialisé dans la recherche sur l’interaction chaussure-surface et services cliniques pour le football et le rugby.

Deux caractéristiques spécifiques peuvent avoir un impact sur le risque de blessures. La traction rotationnelle, mesure de la force nécessaire pour faire pivoter le pied contre la surface, en fait partie, à l’instar de la souplesse d’une surface. Dans le sport de haut niveau, trois types de surface de jeu accueillent les athlètes : le gazon naturel, le gazon hybride et le gazon artificiel. Chacune de ces surfaces présentent des caractéristiques particulières qu’il est important de connaître pour minimiser le risque de blessure selon les trois auteurs. Le gazon naturel offre ainsi un certain confort aux joueurs mais ses propriétés sont très dépendantes des conditions météorologiques tandis que le gazon artificiel offre des sensations différentes mais jouables en tout temps. Le gazon hybride tente de trouver le juste-milieu.

Le monde de la recherche se penche de plus en plus sur la corrélation entre les surfaces de jeu et les risques de blessures. Certaines études qui comparent l’occurrence des blessures sur pelouse naturelle et sur pelouse artificielle suggèrent qu’il y a plus de risques de blessures articulaires sur les gazons synthétiques. Mais d’une étude à une autre, les taux de blessures et leur type diffèrent trop et certains facteurs tels que les caractéristiques des joueurs, leurs crampons et la qualité du terrain sont trop changeants, ce qui entraîne des divergences. Toutefois, les récents résultats sont davantage cohérents et montrent notamment qu’il y a davantage de blessures observées sur gazon artificiel au rugby et un taux plus important de blessure des membres inférieurs sur surfaces artificielles au football américain.

Sur les terrains naturels, le type de graminée utilisée peut avoir son importance sur le risque de blessures. C’est en tout cas ce qu’ont tenté de montrer plusieurs chercheurs australiens (Orchard, J. W., Chivers, I., Aldous, D., Bennell, K., & Seward, H. (2005). Rye grass is associated with fewer non-contact anterior cruciate ligament injuries than bermuda grass. British Journal of Sports Medicine, 39(10), 704-709). Les résultats de leur étude montrent que le Ray-grass semble offrir une protection contre les lésions LCA (ligaments croisés antérieurs) par rapport au gazon synthétique en réduisant le « piégeage» des crampons dans le sol.

L’entretien de ces terrains naturels est également un facteur important. « La qualité de l’entretien des terrains en gazon naturel contribue à la prévention des blessures. Les terrains en gazon bien entretenus et bien drainés ont tendance à être plus sûrs pour les joueurs. En effectuant une gestion précise du gazon, le personnel de terrain peut réduire la variabilité au sein d’un terrain, protégeant ainsi les joueurs des changements inattendus d’impact ou d’adhérence à l’interface pied-surface. » ajoutent-ils. C’est aussi le cas pour les gazons artificiels, qui nécessitent également un entretien.

 

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Mieux connaître ses terrains pour limiter les blessures

Les trois auteurs estiment que les diverses études menées sont insuffisantes pour prouver que la dureté d’un gazon naturel augmente nécessairement le risque de blessure. « Les auteurs ont constaté que les recherches actuelles ne prouvent pas de manière concluante que la dureté du gazon naturel augmente directement le risque de blessure. La plupart de ces études étaient des comparaisons, axées sur les différences de taux de blessures entre les gazons artificiels et naturels, et s’appuyaient souvent sur des évaluations subjectives de la dureté du terrain. Cette variance méthodologique rendait difficile l’établissement d’une relation causale claire. Les chercheurs ont également noté un biais saisonnier potentiel dans les taux de blessures, observant des incidences plus élevées en début de saison, lorsque les terrains sont généralement plus durs. Ils ont toutefois reconnu que d’autres variables, telles que le niveau de forme physique des athlètes et l’intensité de l’entraînement, pourraient également jouer un rôle important dans les schémas de blessures », indiquent-ils. Si certaines études suggèrent une corrélation entre dureté et risque de blessure en influençant les facteurs cinétiques des athlètes (terrain plus dur entraîne un jeu plus rapide et donc des besoins énergétiques accrus et une charge musculo-squelettiques plus importantes), il est toutefois nécessaire de mener des études longitudinales plus objectives pour cerner davantage cette relation complexe.

 

Mieux planifier les terrains pour accroître la performance

« Surveillez et mesurez régulièrement les caractéristiques de surface pour comprendre leur impact sur la biomécanique des joueurs et le risque de blessure. Utilisez les données pour éclairer les stratégies d’entraînement, d’entretien et de prévention des blessures », conseillent les trois auteurs. Deux tests relatifs à la sécurité des joueurs font partie des normes FIFA : l’Advanced Artificial Athlete (AAA) pour mesurer la rigidité d’une surface et l’appareil de résistance rotationnelle (RTT).

Si ces tests sont réalisés sur les pelouses principales (1 à 2 fois par an), les auteurs regrettent qu’ils ne soient pas plus régulièrement réalisés sur les terrains d’entraînement, sur lesquels les joueurs passent beaucoup plus de temps que les pelouses d’honneur. « Tous les terrains de football présentent une variabilité importante en raison des conditions climatiques, d’une utilisation intensive et des stratégies d’entretien. Cela souligne la nécessité de tester plus fréquemment les terrains de jeu et d’entraînement pour informer les praticiens et les athlètes de l’état réel de la surface. La surveillance continue des caractéristiques clés du terrain pourrait fournir plus d’informations sur les interactions entre le joueur et la surface et aider à la prise de décision éclairée par les données dans les opérations quotidiennes », ajoutent-ils.

La récolte plus régulière de ces données pourrait permettre la mise en place d’une approche globale visant à intégrer les caractéristiques de la surface de jeu dans la gestion de la charge d’entraînement et du risque de blessure. « Les praticiens et les chercheurs peuvent également tirer des enseignements biomécaniques d’études d’analyse des mouvements sur des terrains présentant différentes caractéristiques de surface et sur des joueurs portant différents types de chaussures. La connaissance des adaptations du mouvement peut fournir une compréhension nuancée de la manière dont différents terrains affectent les joueurs et des structures musculo-squelettiques spécifiques », détaillent-ils. Le personnel de performance et le personnel d’entretien des terrains doivent également travailler de concert afin d’adapter l’entretien et la gestion des terrains pour améliorer aussi bien la sécurité et la performance des athlètes. Les auteurs conseillent de mettre en place une périodisation des terrains pour l’entraînement : « Pendant la pré-saison, augmentez progressivement la fréquence, le volume et l’intensité de l’entraînement sur des surfaces plus dures pour favoriser l’adaptation des tissus. Cependant, pendant les périodes de compétition encombrées, réduisez la fréquence de l’entraînement sur des surfaces plus dures pour gérer la fatigue résiduelle et minimiser le risque de blessure », précisent-ils.

Corentin RICHARD

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