FIFA : Le casse-tête des pelouses de la Coupe du monde 2026
Publié le 27 septembre 2024 à 07h00
Catégorie : Pratiques
Pour la première fois de l’histoire, la Coupe du monde 2026 se disputera dans trois pays différents : les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Une configuration qui force la FIFA et son responsable de la gestion des terrains Alan Ferguson à se creuser la tête pour mettre en place des pelouses uniformes capables de satisfaire les participants. D’autant plus que de nombreux stades présentent une pelouse artificielle.
Si le challenge de fournir des pelouses de qualité en plein été dans un pays au climat aussi chaud et sec que le Qatar semblait déjà difficile en 2022, celui de la prochaine Coupe du Monde 2026 s’annonce encore plus complexe. En effet, la reine des compétitions va se disputer dans trois pays : les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Trois pays, seize stades et des différences de climats et de contextes qui rendent la tâche ardue à Alan Ferguson, responsable de la gestion des terrains de la FIFA, dans sa quête du gazon parfait. Zoom sur les différentes problématiques rencontrées et les solutions explorées que le spécialiste a confié dans le Grounds Management Magazine.
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« Nous voyons un avenir radieux. » Si le défi est de taille, l’enthousiasme d’Alan Ferguson l’est tout autant. A désormais moins de deux ans du rendez-vous quadriennal qu’est la Coupe du monde de la FIFA, le responsable de la gestion des terrains de la fédération internationale semble très confiant à l’idée de résoudre un casse-tête qu’il s’efforce de résoudre depuis 2022. Le casse-tête, le voici : comment trouver les pelouses idéales des 16 stades qui accueilleront la compétition, dispatchés dans 3 pays et autant de zones climatiques différentes ? A cette problématique purement géographique et climatique il faut ajouter quelques détails : comment convertir les pelouses artificielles en pelouses naturelles ? Avec quelles graminées ? A quel moment ? La mission d’Alan Ferguson est de trouver des réponses à l’ensemble de ces questions. Et pour cela, il fallait s’y mettre dès le coup de sifflet final de la dernière Coupe du monde.
Un plus gros tournoi, des stades plus nombreux
La Coupe du monde 2026 sera la première de l’histoire à réunir 48 équipes, contre 32 précédemment. L’augmentation du nombre de participants aboutit à une augmentation du nombre de matchs – il y en aura 104 au total – et donc du nombre de terrains nécessaires durant la compétition. Il y aura donc 16 stades, 84 sites d’entrainement et 178 terrains d’entrainements.
Liste des stades et des graminées utilisées :
- Toronto, BMO Field, gazon naturel (Kentucky bluegrass)
- Vancouver, BC Place, gazon synthétique
- Guadalajara, Akron Stadium, gazon naturel (Bermudagrass)
- Mexico City, Azteca Stadium, gazon naturel (Kikuyu grass)
- Monterrey, Estadio BBVA, gazon naturel (Bermudagrass)
- Atlanta, Mercedez-Benz Stadium, gazon synthétique
- Boston, Gillette Stadium, gazon synthétique
- Dallas, AT&T Stadium, gazon synthétique
- Houston, NRG Stadium, gazon synthétique
- Kansas City, Arrowhead Stadium, gazon naturel (Bermudagrass)
- Los Angeles, SoFi Stadium, gazon synthétique
- Miami, Hard Rock Stadium, gazon naturel (Bermudagrass)
- New Jersey, MetLife Stadium Field, gazon synthétique
- Philadelphie, Lincoln Financial Field, gazon naturel (Bermudagrass)
- San Francisco, Levi’s Stadium, gazon naturel (Bermudagrass)
- Seattle, Lumen Field, gazon synthétique
L’ensemble de ces terrains, répartis entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, font l’objet d’une préparation minutieuse qui a nécessité de longs mois de recherches. Et pour cela, la FIFA s’est rapprochée de deux institutions américaines de renoms dans la recherche sur le gazon, là où les derniers pays hôtes présentaient moins de recherches dans la filière. « Les Etats-Unis ont déjà un réseau bien établi d’universités et de collèges. Nous avons identifié l’Université du Tennessee et l’Université de Michigan State comme les deux universités de recherche sur le gazon leaders qui pourraient nous fournir des données. Avec notre soutien et la mise en place d’installations supplémentaires, nous pourrions vraiment se concentrer sur les défis des terrains – y compris le manque de lumière, différents types de terrains pour les stades de la NFL qui n’avaient jamais utilisé de pelouse naturelle, les systèmes d’irrigation, etc. Et ce partenariat existe depuis deux ans », explique Alan Ferguson.
La FIFA peut s’appuyer sur deux experts issus de ces universités : John Sorochan, professeur de l’Université du Tennessee et conseiller à la National Football Player’s Association (NFPA, le syndicat des joueurs de NFL) sur la sécurité et la performance des terrains, et John Trey Rogers, professeur à Michigan State et conseiller auprès de plusieurs clubs de MLS qui a également participé à la construction des stades de la Coupe du monde 1994 à Silverdome aux Etats-Unis.
Trois régions climatiques et une homogénéité recherchée
L’un des principaux défis de Ferguson est de trouver comment homogénéiser les différentes surfaces de jeu de la compétition. Il ne faut pas qu’elles soient identiques évidemment, ce qui serait un non-sens total tant chaque situation géographique est propice à certaines graminées ou à d’autres et chaque stade présente sa particularité. Elles doivent toutefois répondre aux mêmes normes et aux mêmes standards : rebond du ballon, roule du ballon, planéité, etc. La multitude de particularités entre chaque stade (ouvert ou fermé avec un toit, équipé d’une pelouse synthétique, par exemple) et chaque ville (climats différents) rend cette tache ardue.
Les recherches se sont d’abord penchées sur le type de graminée à mettre en place afin que chaque joueur ait un ressenti similaire peu importe le terrain sur lequel il évolue. « Le choix des graminées est dicté par le fait qu’un terrain soit dans un climat de saison chaude ou froide – le Ray-grass ou alors le Paspalum ? Ensuite, il y a également du Kentucky Buegrass dans le mélange car, au Mexique par exemple, nous avons des sites en altitude où la plante ne pousse tout simplement pas de la même manière qu’ailleurs », détaille le spécialiste. Avant d’ajouter : « Nous avons identifier toutes les graminées qui étaient cultivées dans les stades et les régions que nous allions utiliser, puis nous les avons testées en conditions : comment allaient-elles se comporter sur un site d’entrainement ou dans un stade fermé par exemple ? C’est le type de recherche sur lequel nous avons travaillé. »
Au-delà du choix variétal, il est également nécessaire de réunir les conditions propices au bon développement du gazon et ce, même en cas d’aléas climatiques. Cela nécessite de mettre en place des systèmes pouvant influer sur l’environnement du stade. « Par exemple, nous devons mettre en place des systèmes de vide d’air pour gérer d’éventuelles fortes pluies. Nous utilisons également des systèmes de ventilations pour ventiler la zone racinaire, de manière à pouvoir maintenir une température optimale sur un terrain situé en région chaude », ajoute-t-il. Ces méthodes avaient déjà été utilisées sur les terrains de la Coupe du monde en Russie en 2018 et au Qatar en 2022.
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Comme dans tout travail de recherche, les erreurs sont fréquentes et ce sont d’ailleurs elles qui permettent d’avancer. « Vous devez commencer quelque part et c’est en choisissant un point de départ que vous savez si vous êtes dans la bonne direction ou non, relativise Alan Ferguson. La deadline de ces périodes d’essais est celle du tournoi. Le temps n’a jamais été de notre coté dans ce projet car vous pouvez faire des recherches pendant des années sur certains terrains et ne jamais avoir de bon résultat. »
La Copa America comme premier test, la Coupe du monde des clubs comme dernier
A deux ans de l’événement, la FIFA a pu tester certains terrains hôtes du Mondial 2026 lors de la Copa America qui se tenait exceptionnellement aux Etats-Unis du 20 juin au 14 juillet 2024. Sur les 14 stades retenus, 8 accueilleront des matchs en 2026. Outre le sacre de l’Argentine, la compétition a été marquée par le mauvais état général des pelouses, ce qui a suscité de nombreuses inquiétudes et critiques. Des surfaces de gazon temporaire ont été installées sur les surfaces synthétiques, leur qualité a varié avec notamment des soucis de roule du ballon. Malgré des tests de résistance et de densité conformes, certaines pelouses ont été jugées inesthétiques et peu adaptées. Certains joueurs ont évoqué des différences notables de ressentis entre différents stades en raison de la surface de base présente sous le gazon temporaire. Ce crash-test partiel a été un échec mais il aura permis à la FIFA de savoir dans quelle direction ne pas aller. En 2026, toutes les pelouses seront hybrides.
Les essais vont se poursuivre jusqu’à la compétition, et un premier bilan pourra être réalisé à mi-parcours à l’issue de la Coupe du monde des clubs de la FIFA qui se tiendra du 15 juin au 13 juillet aux Etats-Unis, des dates calquées sur l’organisation du Mondial 2026. Une sorte de deuxième grand test, avec cette fois-ci des méthodes plus adaptées aux compétitions internationales. A l’instar de la reine des compétitions, le tournoi international de clubs a aussi changé de format avec 32 participants. Cette première édition sous cette forme sera une répétition générale, à seulement un an de la Coupe du monde, et va permettre de tester en conditions plusieurs stades hôtes américains.
Le responsable des terrains de la FIFA confie auprès de Grounds Magazine que certains terrains ne pourront pas être semés dans la foulée de cette répétition générale pour des raisons indépendantes de la volonté de la FIFA. « Typiquement, nous aurions peut-être un an à 15 mois pour implanter un terrain dans un nouveau stade et nous aurions un cycle de croissance complet pour s’assurer qu’il serait prêt pour le tournoi. Ce ne sera pas possible dans tous les stades du tournoi », prévient-il. Les fenêtres vont en effet être courtes (entre 4 et 6 semaines) en raison de la préparation de la saison de la NFL, qui reprend habituellement début septembre. La Major League Soccer (MLS), dont la saison s’étend de février à décembre, prendra quant à elle une trêve le temps de la compétition.