Groundsman français à l’étranger : Léo Raspilaire et le contexte belge

Publié le 5 novembre 2024 à 07h00

Catégorie : Actualités

Passé par le Golf de Paris, le Golf de Margaux et le centre d’entrainement des Girondins de Bordeaux, Léo Raspilaire est aujourd’hui Head Groundsman en Belgique, au Cercle Brugge, pour Natural Grass. Une aventure belge qui lui permet de mettre à profit toute l’expérience qu’il a accumulée. Il revient pour Gazon Sport Pro H24 sur son aventure dans le Plat Pays.

Bonjour Léo, peux-tu te présenter ?

Bonjour, je suis Léo RASPILAIRE, 28 ans, Head Groudsman du centre d’entrainement du Cercle Brugge.

Peux-tu revenir sur ton parcours scolaire et ton parcours professionnel ?

Après un BTSA au Lycée Horti-Pole d’Evreux, je me suis orienté vers la Licence Responsable Techniques en Aménagement d’Espaces Sportifs (RTAES) de Tecomah. Une fois le précieux sésame obtenu, j’ai décidé de me diriger vers la gestion de parcours de golfs en tant qu’intendant-greenkeeper du Golf de Paris. Cette expérience m’a immédiatement responsabilisé sur les techniques de greenkeeping, mais également sur le management d’équipe. Après plus de deux ans en région parisienne au Golf de Paris, j’ai été recruté au sein du Golf de Margaux, en Gironde. Un nouveau chapitre de greenkeeping passionnant : j’ai pu observer la réouverture du golf après un an de fermeture et contribuer aux nombreux travaux d’envergure effectués sur le parcours.

Enfin, après une expérience réussie en Greekeeping, j’ai décidé de saisir l’opportunité de me confronter à un nouveau secteur d’activité : le football ! C’est ainsi que j’ai accepté le poste de Head Groudsman pour Lafitte Environnement au sein du Centre d’entrainement des Girondins de Bordeaux. Durant trois saisons sportives, j’ai travaillé pour répondre aux exigences du haut niveau du club bordelais. Cette expérience m’a amené aujourd’hui à occuper ce même poste, mais au sein d’un club étranger, le Cercle Brugge en Belgique pour Natural Grass. Je suis véritablement passionné par mon métier, c’est depuis mes expériences dans le haut niveau que j’ai véritablement pris conscience de toutes les richesses que ce milieu nous apporte.

Qu’as-tu appris dans chacune de tes expériences ?

Toutes ces expériences m’ont amené à cultiver mon ouverture d’esprit, ma curiosité et mon adaptabilité pour développer mes compétences et me confronter à la richesse des enjeux de la filière ; que ce soit sur les projets, les objectifs, mais aussi les particularismes de chaque milieu sportif ou encore des différences géographiques.

Chaque position a été source de nouvelles compétences, d’expériences fortes, de rencontres clés qui forgent un parcours professionnel. On peut parler de mentors, des personnes qui généreusement partagent leurs connaissances et t’ouvrent le champ des possibles ; des rencontres qui développent ta palette d’outils, sur le plan managérial, comme technique. Par ailleurs, passer du golf au football m’a permis d’acquérir des compétences que je n’aurais pas eues en restant uniquement dans l’un des deux domaines. Par ailleurs, cette saison, le club joue en Conference League. Un challenge supplémentaire et surtout l’occasion de venir aider l’équipe du stade. L’illustration même que chaque année est source de développement. Hâte de voir la suite !

 

Quelles sont selon toi les qualités nécessaires pour être un bon Head Groundsman ?

C’est avant tout un métier passion, qui nous demande d’être attentif aux enjeux d’aujourd’hui pour anticiper les défis de demain. Manager et expert agronome, à l’écoute des besoins sportifs, il est important d’actualiser sans cesse ses connaissances environnementales comme économiques ou sociales, d’être à l’écoute des changements et de se les approprier. La richesse de ce métier nous offre la possibilité de faire preuve d’initiative, de polyvalence, d’engagement et de cohésion d’équipe : la clé de la réussite. Un bon Head Groundsman est celui qui obtient les meilleurs résultats avec les moyens dont ils disposent, en tenant compte des besoins de son équipe.

 

Y a-t-il une différence entre la filière française et la filière belge ?

La filière belge est en pleine évolution et structuration. En effet, forte de ses échanges avec l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Angleterre mais aussi la France, elle est de plus en plus qualitative et en plein développement technologique. Elle est d’ailleurs dotée de son propre réseau d’intendants : La Greenkeepers’ Association of Belgium – G.A.B.

La Belgique est subdivisée en trois régions linguistiques et administratives, ce qui ne facilite pas les échanges internes et peu parfois limiter le développement de la filière, et limiter une offre de formation à l’échelle nationale. Pour autant, les besoins sont bien réels en termes de recrutements et d’exigences au sein des clubs.

La France a initié la transformation de sa filière il y a une décennie déjà. Aujourd’hui, tous les stades de haut niveau sont équipés de surfaces hybrides et d’outils agronomiques de pointe (luminothérapie, chauffage, ventilateurs…). Les moyens du championnat français sont plus importants et cela se répercute directement sur les moyens alloués à l’entretien des surfaces. De mon point de vue, la filière française est aujourd’hui de plus en plus préoccupée par les problématiques environnementales, telles que la gestion de l’eau à l’échelle d’un site ou encore l’interdiction d’utilisation des phytos, mais également dans une recherche de rentabilité de ses infrastructures poussant les gestionnaires à multiplier la tenue d’évènements sur le terrain (rugby, football, concerts, séminaires…).

Quoi qu’il en soit, que ce soit en France ou en Belgique, la richesse de la filière repose sur notre capacité à se réinventer, interagir, créer et finalement s’adapter en fonction des ressources et des besoins.

 

Peux-tu présenter le centre d’entrainement du Cercle Brugge (terrains, technologies, graminées, spécificités, etc) ?

Le centre d’entrainement du Cercle Brugge est doté de 6 terrains : 2 hybrides en Ray-grass pour l’équipe professionnelle, nous avons réussi à obtenir un gros investissement pour le Cercle avec un nouveau terrain hybride l’été dernier, ce qui nous a permis d’acquérir une expérience précieuse dans l’installation et la construction de surface de tapis hybrides. Mais aussi 1 synthétique et 3 naturels en Ray-grass.

L’ensemble de ces terrains est joué toute la semaine, mais également les week-ends pour les matchs des plus jeunes. La particularité à Bruges, c’est que son stade Jan Breydel accueille les deux équipes de la ville : le Cercle Brugge et le Club Brugge, tous deux en première division (Jupiler Pro League).

L’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques est déjà effective dans une partie de la Belgique. Y es-tu confronté ? Quel est l’état d’esprit belge dans cette situation ? Quel est ton regard là-dessus ?

En effet, la Belgique met un point d’honneur à mettre en application l’interdiction d’utiliser des produits phytosanitaires. Néanmoins, entre la Wallonie, Bruxelles et la Flandre, les législations varient, sur ce point, et bien d’autres. Si la législation sur les phytos est plus souple en Flandre, nous avons bien commencé à prendre le virage dans le club : cela passe par une analyse approfondie des sols et de leurs structures, la mise en place d’un plan d’entretien mécanique adapté, une gestion raisonnée des intrants (eau, engrais…), le choix des graminées, etc. Pleins de solutions s’offrent à nous pour limiter leur usage et maintenir la qualité de jeu des terrains. En ce sens, Natural Grass est proactive sur ces questions, avec notamment d’un côté Romain Giraud, expert agronome chez NG qui travaillent spécifiquement sur ces questions, ou encore avec le développement d’Aquaflow, qui devrait considérablement réduire l’utilisation de phyto sur les terrains en supprimant l’humidité en surface.

 

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Le Cercle Bruges est un club satellite de l’AS Monaco. Y a-t-il des ponts entre votre équipe et celle de la Principauté au niveau du grounds management ?

Sur ce sujet, nous nous coordonnons avec Declan Robinson (Pitch manager de l’AS Monaco et du Cercle Brugge) pour garantir un rendu optimal à la hauteur des exigences attendus. Néanmoins, nous restons deux entités distinctes, avec des équipes distinctes.

 

A quelles problématiques dois-tu faire face à Bruges ?

La météo reste un des facteurs les plus problématiques, notamment la forte pluviométrie qui n’est pas un mythe ! On se doit d’offrir en tout temps les meilleures conditions de jeu pour toutes les équipes. On développe des méthodes de travail et des plans d’actions spécifiques (bâches contre le gel, aération du sol…) pour chaque type de météo. C’est très motivant et satisfaisant pour mon équipe de réussir à combler les exigences du club, tout en s’adaptant au climat parfois capricieux.

Quel regard portes-tu sur la filière française ? Et notamment sur les problèmes de recrutement/formation ?

C’est vrai que nos métiers nous imposent régulièrement des horaires de travail en décalage avec la vie sociale ou familiale, des conditions de travail en extérieur qui peuvent rebuter, des salaires en début de carrière qui peuvent sembler faibles ou encore parfois un manque de reconnaissance pour notre profession. Néanmoins, sur ce dernier point, la France a accueilli en quelques mois la Coupe de monde de rugby et les jeux Olympiques, des événements regardés dans le monde entier. Ils ont mis en lumière l’investissement et le travail des femmes et des hommes engagés jour et nuit pour fournir les meilleures surfaces de jeu possibles. Il nous faut profiter de cette visibilité pour mettre en avant les atouts de notre profession : le sentiment de fierté de participer au rayonnement du savoir-faire français, prendre part à la ferveur des rassemblements sportifs et finalement être un acteur central du développement de la pratique du sport. Je mets personnellement un point d’honneur à former chaque saison un ou plusieurs apprentis pour développer la filière. 

 

Tu travailles avec Declan Robinson, comment se passe votre collaboration et que t’apprend-il ?

C’est un vrai plaisir de travailler avec Declan Robinson. Nous partageons tous les deux une volonté d’excellence par rapport à ce que nous devons et voulons offrir au club. Cette vision commune nous permet de remplir les objectifs fixés et d’aller encore plus loin.

 

Question d’Antoine Huet (Head Groundsman du stade Jean Dauger de Bayonne) avec qui tu as travaillé au Haillan : Comment s’est passé l’adoption et la gestion de ton parc matériel qui doit être totalement différent de ton ancien site ? Et comment t’es-tu acclimaté à une nouvelle gestion d’équipe (passage d’une personne à gérer à plusieurs) ?

Il est vrai que cette année, nous nous sommes engagés dans des rénovations de terrains en interne et nous avons donc augmenté notre parc materiel (Vertidrain, Koro) pour être autonomes dans ce processus à l’avenir. Sinon c’est grosso modo les mêmes choses, exceptée les tondeuses à conducteur marchand : Rake, Vredo, 2 Triplex autoportées, Procore, ect.

Concernant le management des équipes cela me change de mon dernier poste mais j’ai déjà eu l’occasion durant mes expériences dans les golfs de gérer des équipes plus importantes. Néanmoins, la particularité de cette expérience est qu’il me faut manager mon équipe et mes interlocuteurs au travers de trois langues : Français, Anglais et Néerlandais. Cela dynamise pas mal les échanges.

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Corentin RICHARD

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