[Débat d'idées] François Brouillet, Président d'Hydraparts : « Acquérir la culture de la mesure pour mieux anticiper »

Publié le 14 juin 2019 à 13h30

Catégorie : Paroles d’experts

« 0% phyto, 100% mytho? » C’est par ce slogan un brin provocateur que Gazon Sport Pro H24 lance une série de tribunes à travers lesquelles de grands témoins du secteur donneront leur avis sur la question des traitements phytosanitaires en terrain de sport engazonné de niveau professionnel. Alors, le « zéro phyto »: possible ? Pas possible ? Pour les intendants, quel futur possible ? Cette semaine, nous vous proposons l’avis de François Brouillet, Président d’Hydraparts…

« Faire du « zéro phyto » en terrain de grand jeu ? À mon sens ce ne sera jamais possible ! Surtout pour les gazons qui sont dans des enceintes très fermées, comme c’est souvent le cas dans les stades de haut niveau. Néanmoins il est possible de cantonner les produits phytosanitaires au rôle d’arme très ponctuelle pour traiter une maladie avec une grande efficacité. En revanche, il est tout à fait possible de mettre en œuvre le « zéro phyto » sur des terrains avec moins de pression médiatique, au sein d’enceintes avec des gradins plus ouverts, et en mettant en œuvre une gestion prophylactique.

Cet objectif du « 0% phyto » doit être mis en balance avec le degré d’exigence assigné à la surface de jeu concernée : un rendu esthétique imparfait sera mieux toléré en collectivités qu’en terrain de L1 ou de L2. Il est possible de tendre vers le « zéro phyto », mais en cas de force majeure, l’utilisation de produits n’est pas à exclure. Cela implique de mettre en place une stratégie prophylactique globale, du choix de la graminée adaptée à l’environnement, en passant par le type de construction du terrain, les pratiques de maintenance courante et la rénovation de fin de saison. Il faut tendre vers une gestion stable pour la plante en évitant les à-coups (à l’image des engrais organiques plutôt que minéraux). Je suis persuadé qu’il est possible de réduire rapidement l’utilisation de produits « phytos ».

Il peut y avoir une certaine « phyto-dépendance » chez certains profils de professionnels : beaucoup de greenkeepers formés dans les années 90 ont appris à maintenir un golf suivant le modèle américain qui est basé sur un recours massif aux engrais et aux produits. À leur décharge, les gazons qu’ils gèrent sont des outils de travail et la moindre erreur peut leur coûter leur poste. Changer de méthode comporte une part de risque qu’il n’est pas toujours possible de prendre. Heureusement, certains ont pu explorer d’autres voies et adapter leur gestion à leur environnement et leurs convictions.

Hydraparts promeut des méthodes d’entretien mécanique alternatives permettant aux gazons de « faire du sport » et donc d’être plus résistants et de moins tomber malades. Nous expérimentons notamment le traitement des maladies fongiques à l’aide de rayonnements UV-C, qui a fait l’objet de tests concluants en golf et en terrain de sport. Les produits de biocontrôle constituent également une voie prometteuse pour la diminution des produits phytosanitaires.

Mais à titre personnel, je conseillerai aux intendants d’acquérir la « culture de la mesure », appliquée à l’ensemble des paramètres pouvant impacter la santé de la plante, afin de prendre les bonnes décisions au bon moment et d’anticiper l’apparition de maladies. Par exemple la mesure du taux d’humidité permettra d’ajuster l’arrosage et les travaux mécaniques, tandis que la mesure de la conductivité électrique et du taux de salinité donneront une indication sur le niveau de fertilisation. Ces données récoltées et présentées grâce à des outils modernes (Capteurs connectés, portails de visualisation, applications sur smartphone, etc…) offrent à l’intendant une vision globale de la situation lui permettant d’optimiser son plan d’action. Cette culture de la mesure n’est pas encore très implantée dans le monde du gazon sportif et encore moins en France, mais je suis persuadé que nous y viendrons bientôt. Cela demandera aux intendants de remettre en question leurs méthodes de travail et de sortir du ressenti subjectif. Plus largement, je crois au bénéfice de l’échange entre professionnels justement pour favoriser cette remise en question. Sans perdre de vue que chaque gazon est unique : trouver le produit miracle est pour moi de l’ordre du doux rêve…»

redactionateprofield.com (Idir Zebboudj)

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Rédaction GSPH24

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