Euro 2016 : plus jamais ça !
Publié le 24 janvier 2018 à 08h08
Catégorie : Actualités
Au cours de la journée technique organisée par la SFG le 23 janvier au CNOSF, la table-ronde de l’après-midi devait être consacrée à la préparation des multiples échéances qui attendent les terrains de sport professionnel dans les six prochaines années. Mais ce débat a surtout été l’occasion de revenir sur l’Euro 2016. Un épisode douloureux qui a laissé des traces… et dont il faut tirer des enseignements.
Si l’objectif de la discussion était initialement d’évoquer en particulier la Coupe du Monde de football des féminines en 2019, très vite, l’expérience encore récente – et quelque peu douloureuse – de l’Euro 2016 a refait surface. Douloureuse pour la Fédération Française de Football (FFF), très vite mise hors-jeu par l’équipe mandatée pour faire appliquer le cahier des charges de l’UEFA en matière de préparation des terrains. Claude Cudey, président de la Commission « surfaces de jeu » à la LFP et représentant de la FFF, se souvient d’une collaboration entre les instances nationale et européenne qui a tourné court : « Les délégations de l’UEFA ont visité les sites candidats [à accueillir l’Euro], à compter de 2015 ; [la FFF] a accompagné la première visite, mais n’a plus été conviée aux suivantes… »
Douloureuse également pour les intendants et prestataires de services des deux stades qui ont le plus prêté le flanc à la critique – à savoir le Stade Vélodrome de Marseille et le Stade Pierre-Mauroy à Lille. Car comme pour les représentants de la fédération, les personnels en charge de l’entretien des pelouses ont progressivement été mis sur la touche par la délégation menée par Richard Hayden. Aux dires de Jean-Michel Hurlus, directeur technique de Terenvi, le stade Pierre-Mauroy a très vite été considéré comme « à risque » par les émissaires de l’UEFA. Même son de cloche du côté de Marseille, comme le relate Maxime Giraud, chargé d’affaires chez Parcs et Sports : « Au total nous avons reçu cinq working visits [de l’équipe UEFA]. La première visite s’était déroulée de manière plutôt bon enfant. Mais c’est alors que le Vélodrome devait accueillir un concert d’AC/DC [le 13 mai 2016] que la situation a commencé à se tendre… » Pourtant, Richard Hayden aurait été non seulement au courant de la programmation de ce concert quelques semaines avant la première rencontre, mais n’aurait pas cherché à faire interdire ce concert.
Et puis il y eut la séquence des replaquages imposés à Lille et à Marseille, des lés de plaquage soumis à de grandes variations de températures, et de leur état déplorable à l’arrivée (roussies en cœur de rouleaux, noircies en fin de rouleaux). Le résultat fut désastreux: le stade Vélodrome ainsi que le stade Pierre Mauroy ont arboré des pelouses indignes d’une compétition de niveau international. Là encore, la responsabilité de l’UEFA semble manifeste. « Nous n’avons pas eu le choix, soutient Jean-Michel Hurlus. Le gazon [de plaquage] était en culture depuis plus de 18 mois en Slovaquie. Le fournisseur, Richter Rasen, avait été désigné par l’UEFA. » Des assertions qui avaient été rapportés par la presse à l’époque. Mais selon le technicien, la catastrophe était difficilement évitable, quelle qu’ait été la qualité du gazon de plaquage: « Il faut environ six semaines pour qu’une graminée [sur un gazon de plaquage] s’adapte aux conditions d’une enceinte fermée. Phase d’adaptation qu’il n’a pas été possible d’obtenir, puisque le plaquage s’est fait quatre semaines avant le début de la compétition. Durant ces phases d’adaptation, la graminée est vraiment en souffrance. Il aurait fallu un temps d’adaptation d’au moins huit semaines. »
D’abord dirigée vers les intendants des stades concernés, l’attention des médias s’était ensuite tournée vers l’UEFA. La Société Française des Gazons (SFG) était d’ailleurs montée au créneau via un communiqué cinglant pour défendre les professionnels français du gazon. « Ce fut une période difficile, admet Claude Cudey, car nous bouillonnions après avoir été écartés. En plus, nous n’étions pas autorisés à communiquer ! Nous avons applaudi des deux mains le communiqué de la SFG… » Mais le mal était fait : « [L’Euro] aurait dû être une fête. Ç’a été très dur après… », regrette Maxime Giraud. À demi-mot, il évoque le sentiment de « gâchis » ressenti par Rémi Lardin, intendant du Vélodrome, même si lui et ses jardiniers se sont retroussé les manches pour assurer la suite de la compétition. Jean-Michel Hurlus a également eu une pensée émue pour l’intendant du Stade Pierre Mauroy…
Alors, que faire pour ne pas revivre une expérience aussi traumatisante et garantir le spectacle, alors que se profile la Coupe du Monde 2019 ? Pour Maxime Giraud, il faut à tout prix éviter les « manifestations à fort impact précédant la compétition. » L’intéressé gère notamment le Groupama Stadium (ex-Parc OL) à Lyon, où se dérouleront les deux demi-finales et la finale. Et sa crainte est que la pelouse ne soit pas sanctuarisée durant les six semaines entre la fin du championnat et le début du tournoi, l’organisation de manifestations extra-sportives étant nécessaire pour satisfaire au modèle économique de l’OL, propriétaire de l’enceinte…
Avec humour, Jean-Michel Hurlus souligne que le football féminin est « moins destructeur pour les terrains » que le football masculin. Plus sérieusement, il espère que le « taux de sollicitation » des terrains sera mieux appréhendé, grâce notamment à une meilleure planification en amont. Et souhaite que cette fois-ci, la LFP et la FFF soient associées au prises de décisions nécessaires à une telle anticipation.