Entre Espagne et Maroc, le périple de Jonathan Ducou

Publié le 27 janvier 2023 à 14h00

Catégorie : Pratiques

GSPH24 a interrogé des intendants de terrains français qui exercent ou ont exercé leur métier à l’étranger pour en apprendre davantage sur l’entretien des sols sportifs professionnels en dehors de l’Hexagone. Pour ce nouvel épisode, Jonathan Ducou nous emmène en Espagne et au Maroc. Entre l’eau salée, des températures élevées, la gestion du paspallum et l’entretien d’un golf en montagne, son expérience a été très enrichissante.

GSPH24 a interrogé des intendants de terrains français qui exercent ou ont exercé leur métier à l’étranger pour en apprendre davantage sur l’entretien des sols sportifs professionnels en dehors de l’Hexagone. Pour ce nouvel épisode, Jonathan Ducou nous emmène en Espagne et au Maroc. Entre l’eau salée, des températures élevées, la gestion du paspallum et l’entretien d’un golf en montagne, son expérience a été très enrichissante.

Peux-tu te présenter ? Quel est ton parcours ? Ou travailles-tu ?

Je m’appelle Jonathan Ducou. Après avoir fait une école de jardinier à Neuvic, j’ai commencé dans le monde du golf en 2006 avec la formation d’intendant de parcours à Dunkerque. Ma première expérience a eu lieu au golf de Saint-Malo. Par la suite, à 26 ans, je suis parti 7 ans en Espagne puis 4 ans au Maroc. Aujourd’hui, je suis intendant au golf d’Arcachon où je gère une équipe de dix personnes.

Pourquoi être parti en Espagne ?

J’étais au golf de Saint-Malo. Il y avait beaucoup de pluie, des graminées que je connaissais bien (ray-grass, paturin des prés, fétuques). Je souhaitais approfondir ma formation. Paul Bontemps, que j’ai côtoyé à Neuvic et Saint-Malo, m’a mis en relation avec Sylvain Duval, responsable de l’ensemble des 6 parcours de Polaris World dont le parcours Jack Nicklaus dans la région de Murcie : Alhama Signature. J’y ai vu une opportunité d’apprendre de nouvelles perspectives, de me familiariser avec un C4 : le paspalum, directement importé d’Amérique. Nous avons été les premiers en Europe à pouvoir travailler avec le paspalum. J’étais adjoint d’Alejandro Reyes dans un premier temps. J’ai beaucoup appris au niveau de la salinité de l’eau également puisque nous arrosions avec de l’eau salée. Ce fut très enrichissant et formateur.

Qu’est-ce qui vous a surpris dès votre arrivée en Espagne ?

Je dirais en premier lieu la problématique de l’eau. Nous utilisions de l’eau salée pour irriguer les fairways en paspalum et de l’eau retraitée pour les greens en agrostis. Nous avions donc deux eaux différentes. Il pleuvait approximativement 180-250 mm par an. C’était totalement différent par rapport à la France.
La qualité du golf m’a également surpris. J’étais sur un Nicklaus Signature avec un cahier des charges très exigeant, 30 cm de substrat sableux, une graminée novatrice, des drainages parfaits, etc. C’était du très haut standing.

Comment s’est passée votre adaptation ?

Il y avait la barrière de la langue au début, c’était compliqué. Je sortais de Saint-Malo avec un climat très pluvieux et des températures moyennes. A Murcie c’était tout l’inverse : un climat très aride, des températures très chaudes. Je me souviens d’un matin où il faisait 38°C à 8h ! Il y avait beaucoup de soleil, beaucoup de tempête de vent et de sables. Malgré la chaleur, nous devions travailler en manches longues et pantalons sinon nous cramions.

Pouvez-vous présenter Alhama Signature ?

En début de construction, lors de mon arrivée, nous étions 24. Au bout de 7 ans, nous étions plus que 14. Toutes les tontes se faisaient à la simplex, ce qui nécessitait beaucoup de main-d’œuvre. Sur ce golf, les greens étaient en agrostides stolonifères tandis que les départs, fairways et roughs étaient en paspallum.

 

Alhama Signature Golf, Murcie. Source : leclub-golf.com
Alhama Signature Golf, Murcie. Source : leclub-golf.com

Pouvez-vous nous en dire plus sur la gestion du paspalum ?

Le paspalum est une graminée en C4. En hiver elle entre en dormance lorsque la température du sol est inférieure à 19°C. Elle devient marron. L’été, elle est très tolérante au stress hydrique et au stress thermique. Elle est totalement adaptée au climat de Murcie. Nous étions le premier golf européen à importer le Paspalum Platinum TE (même gazon utilisé pour la Coupe du Monde au Qatar). Nous avions une grande gazonnière qui nous a permis d’implanter le paspalum sur les 18 trous.
C’est une graminée très sensible. Tout affecte le paspalum. Si vous vous trompez sur les dosages d’un herbicide, la plante peut cramer. Idem si vous vous trompez de fertilisation. En sortie d’hiver, si vous la scalpez, vous pouvez la fragiliser pour toute la saison.

Qu’en est-il de l’utilisation des produits phytosanitaires en Espagne ?

Nous étions suivis et contrôlés. La réglementation était différente en 2009. Nous utilisions par exemple de la pendiméthaline, une substance active qui permettait de contrôler les adventices. Ce n’est plus autorisé maintenant. Nous utilisions moins de produits, mais ils étaient plus efficaces.

 

Pouvez-vous présentez l’entretien du parcours ?

Nous tondions à 2,9 mm sur les greens. Nous effectuions des roulage, brossage, top-dressing plus régulièrement que dans un golf normal. Concernant le parc matériel, nous avions la particularité d’avoir exclusivement des machines d’occasion. En tant que dernier Nicklaus Signature construit, nous avons hérité d’un matériel vieillissant. Mais nous avions tout.

 

Pourquoi utiliser des eaux salées et retraitées ?

Les eaux retraitées étaient utilisées pour les agrostides sur les greens, elles avaient quand même une petite teneur en sel. Le paspalum a la capacité d’accepter l’eau salée. Nous arrosions les greens 40 à 50 minutes (30mm) par semaine afin d’arroser en profondeur. Si nous arrosions tous les soirs, le sol aurait été chargé en sel et la plante asséchée. Cela nous permettait de tenir 7 à 10 jours sans arroser, même à 40°C. Cette méthode permettait également de développer le système racinaire des greens. Nous étions amenés, tous les 15 jours, à apporter un traitement liquide qui nécessitait un petit arrosage de 2 à 3 mm le soir. Au bout du 10e jour sans arroser, s’il y avait des tâches sèches prononcées, nous arrosions à la main. Sur les autres surfaces de jeu, l’arrosage était similaire à celui des greens, mais moins en profondeur. Nous utilisions une station météo pour contrôler au mieux l’arrosage.

Après 7 années passées en Espagne, vous partez au Maroc ?

Je suis reparti en 2018, dans le premier golf Nicklaus Signature d’Afrique du Nord dans le Moyen-Atlas, un parcours unique dans un cadre exceptionnel : le Michlifen Golf d’Ifrane. C’est un golf de montagne à 1700 m d’altitude, avec des écarts-type de températures énormes. Là encore, c’était de nouvelles graminées, de nouvelles problématiques telles que la fusariose hivernale ou le typhula. Il faisait très chaud l’été, très froid l’hiver, nous avons connu des chutes d’1,5 m de neige. Il y avait une équipe de 41 personnes à mon arrivée.
Les départs (1 ha) étaient en agrostides, les greens (1,2 ha) aussi. Pour les autres surfaces, un mélange de Ray-grass et de Poa pratensis (pâturin des prés) avait été choisi.

 

Michlifen Resort & Golf, Ifrane.
Michlifen Resort & Golf, Ifrane.

Comment se passe l’entretien d’un parcours de golf en montagne ?

L’été était très sec, même s’il pleuvait plus qu’à Murcie. Pour ce qui est de l’hiver, je n’ai pas vraiment connu de continuité. Les trois hivers que j’ai passé au Maroc étaient tous différents. J’ai connu un hiver printanier avec des températures douces, un hiver très irrégulier avec une alternance neige/soleil très marquée, et un hiver avec 3 semaines de neige. Evidemment, selon les hivers, la maintenance est différente. Lorsqu’il y avait beaucoup de neige, nous n’appliquions pas de fongicide préventif puisque le gazon était protégé par le couvert neigeux. En revanche, les problèmes surviennent durant la fonte des neiges, propice aux maladies. J’ai eu la chance, durant mes trois années au Michlifen Golf d’Ifrane de ne jamais avoir été contraint d’utiliser de fongicide. Nous avions plus de liberté au niveau des produits. J’ai dû former mon équipe sur les impacts des produits phytos.

 

Michlifen Resort & Golf, Ifrane.

Qu’est-ce que cette expérience à l’étranger vous a apporté pour la suite de votre carrière ?

Ce fut très enrichissant personnellement et professionnellement. J’ai appris tous les jours aux côtés d’Alejandro Reyes et Sylvain Duval. Même si en France les graminées ne sont pas les mêmes, chaque golf est différent, je pense qu’aller à l’étranger est une excellente expérience. J’ai pu apprendre la gestion de nouvelles graminées, faire face à de nouvelles problématiques, etc. C’est formateur.

 

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