L’aventure anglaise de Yann Pabbruwee à St George’s Park

Publié le 14 avril 2023 à 07h00

Catégorie : Pratiques

GSPH24 a interrogé des intendants de terrains français qui exercent ou ont exercé leur métier à l’étranger pour en apprendre davantage sur l’entretien des sols sportifs professionnels en dehors de l’Hexagone. Pour la première fois, c’est un groundsman qui nous raconte son expérience à l’étranger en la personne de Yann Pabbruwee. Le Head Groundsman de Perpignan au sein de Parcs & Sport revient sur son expérience anglaise à St George’s Park, centre national de la Football Association.

Durant près de 3 ans, Yann Pabbruwee s'est occupé des nombreuses pelouses de St George's Park.
Durant près de 3 ans, Yann Pabbruwee s’est occupé des nombreuses pelouses de St George’s Park.

Peux-tu te présenter ? Quel est ton parcours ? Où travailles-tu ?

Je suis Yann Pabbruwee, j’ai 33 ans. Je suis actuellement Head Groundsman au sein du groupe Parcs & Sports à Perpignan, où je gère l’entretien des pelouses de l’USAP et des Dragons Catalans. Cela fait une dizaine d’années que je suis dans le monde de l’entretien des terrains de sport. J’ai fait un BEP et un BAC Pro au lycée horticole de Dunkerque avant de faire un BTS (2009-2011) et une Licence Pro Responsable technique en aménagement et espaces sportifs (2011-2012) à TECOMAH.

Tu es parti à deux reprises à l’étranger, peux-tu nous raconter ces départs ? Pourquoi être parti ?

A l’issue de cette Licence Pro, j’ai participé au dispositif Movil’App qui est une sorte d’Erasmus pour les apprentis. Je suis donc parti 6 mois en Irlande pour travailler au The Island Golf Club, un links au nord de Dublin, dès mars 2013. C’était une super expérience. Cela m’a permis de découvrir ce qu’il se passe ailleurs en Europe et la culture golfique irlandaise. A l’issue de ces 6 mois je suis retourné dans la boite où j’étais en alternance, SERPEV (qui n’existe plus aujourd’hui). J’ai ensuite travaillé avec mon frère, qui avait travaillé avec les Anglais à Chantilly lors de l’Euro 2016 (NDLR : Chantilly était le camp de base de la sélection anglaise et s’était déplacée avec plusieurs jardiniers). Alors qu’il partait en Nouvelle-Zélande, j’ai voulu tenter ma chance en Angleterre. Mon objectif était d’acquérir de l’expérience à l’étranger pour revenir en France avec un bagage technique plus conséquent.

 

Comment t’es-tu retrouvé à St Georges Park ? Peux-tu nous présenter ce complexe et les ressources humaines qui y étaient consacrées ? L’exigence demandée ?

Dès l’été 2017, j’ai beaucoup été en contact avec Scott Brooks, alors Head Groundsman à St George’s Park pour la Football Association (FA). Au mois d’avril 2018, il m’a donné ma chance à St George’s Park pour un contrat de 3 mois. Finalement je suis resté 3 ans.

St George’s Park (SGP) est le centre national de la FA, construit sur un site de 130 hectares à Burton upon Trent. Le site est la propriété de la Fédération anglaise de football. Les infrastructures y sont hyper modernes. Il y a 10 terrains naturels, 3 terrains synthétiques et 1 synthétique couvert. Le terrain de la sélection anglaise et le Sir Bobby Charlton Pitch.

Tous les terrains ont le même couvert végétal (Ray-grass). Il y a tous les types de surface : terrain naturel, terrain hybride stitché, terrain fibersand (sable calibré mélangé avec de la fibre). Le terrain hybride desso était l’un des premiers en Angleterre. En termes de ressources humaines, nous étions 10 pour l’entretien des terrains et il y avait 3 personnes destinées à l’entretien paysager.

 

Vue aérienne de St George’s Park et de ses nombreux terrains.

Au vu de la diversité des terrains, les enseignements ont dû être nombreux ?

Complètement. Cela m’a permis de tout apprendre. Tout le monde touchait à tout. Si tu montres que tu es intéressé et motivé, tu peux faire de tout ! J’ai commencé par faire les tontes puis ils ont vu que je me débrouillais bien sur un tracteur donc j’ai fait les décompactages, puis du recycling-dresser. Finalement, au bout de 3 ans, je passais même la Koro. Idem pour l’arrosage, tu peux apprendre à tout faire petit-à-petit. Dans d’autres centres d’entrainement, ce n’est pas forcément le cas.

Au cours de son expérience, Yann a notamment eu l'occasion de mener la rénovation avec la Koro.
Au cours de son expérience, Yann a notamment eu l’occasion de mener la rénovation avec la Koro.

Dès tes premiers jours, qu’est ce qui t’a frappé en termes d’entretien des pelouses dans ce nouveau pays ?

Je n’ai jamais été aussi heureux d’aller travailler tous les matins. C’était Disneyland (rires) ! En termes de moyens, tout était démultiplié par rapport à la France. Nous avions beaucoup d’équipements, toujours impeccables. Les machines étaient renouvelées régulièrement, un mécano s’occupait de l’entretien des machines. Tout est fait pour la performance.

 

Parc matériel :

  • Tracteurs John Deere
  • Tondeuses triplex Jacobsen Eclipse
  • Tondeuses rotatives hélicoïdales Dennis
  • Recycling Dresser
  • Shockwave

 

 

Comment se passe l’entretien des pelouses ? Peux-tu décrire une journée type ?

Nous commencions à 8h. Nous avions tout de suite un briefing avec un petit thé entre collègues. Dan, l’assistant Head Greenkeeper, nous dispatchait sur différentes tâches. De midi à 13h nous faisions une pause, puis de 13h à 16h30 nous travaillions. Nous adaptions la sélection des tondeuses en fonction du planning d’utilisation. Nous pouvions aussi nous appuyer sur des données pour organiser les différentes opérations grâce au POGO et aux différentes sondes que nous avions. Tous les terrains étaient tondus à la même hauteur : 25 mm. Sauf demande exceptionnelle.

Quelle est la fréquentation des terrains de St George’s Park ?

Il y a toujours du monde à St George’s Park. Evidemment, certains terrains sont plus utilisés que d’autres. Certains terrains sont réservés à la sélection anglaise masculine et féminine. Le Burton Albion FC, qui évolue en League One (D3 anglaise), utilise trois à quatre fois par semaine des terrains annexes.

Y a-t-il une conscience écologique au niveau des pratiques ? Des restrictions ?

Ça commence à être une préoccupation avec notamment une prise de conscience sur les alliés du sol avec l’utilisation de bactéries. Mais le résultat primera toujours. S’il faut sortir l’artillerie lourde pour une maladie…

Avez-vous subi des attaques de maladies ?

Nous avions eu un peu de fusariose estivale mais ce n’était pas violent du tout.

Avec le recul aujourd’hui, quelles différences notables y a-t-il selon toi entre l’entretien des pelouses et France et en Angleterre ?

En Angleterre, ils ont vraiment la culture du gazon. C’est un véritable travail reconnu. Mais en France il y a de nombreuses personnes qui s’en sortent très bien dans un contexte beaucoup plus difficile. Finalement, nous ne pouvons pas vraiment comparer deux choses qui sont incomparables. Les budgets sont dix fois supérieurs en Angleterre. De plus, le climat est bien plus propice à la culture du gazon que dans certaines parties de la France.

Les salaires sont-ils plus attractifs qu’en France ?

Je ne pense pas. Je dirais que c’est quasiment identique. En revanche, il y a une vraie expertise, j’ai vu des choses que je ne verrais jamais en France, exceptés 2-3 sites. Tout est fait pour la culture du gazon.

Que t’a apporté cette expérience à l’étranger ?

Des amis à vie déjà. Je pourrais toujours contacter les personnes avec qui j’ai travaillé là-bas si j’ai des questions. C’a m’a permis d’échanger mais surtout d’avoir un autre regard. C’est important de s’ouvrir, de ne pas avoir des œillères. C’a été une expérience de vie humaine incroyable et une magnifique opportunité. J’ai énormément appris aux côtés de Scott Brooks.

Quels sont ton meilleur et ton pire souvenir là-bas ?

J’ai eu beaucoup de bons souvenirs. J’ai eu la chance d’être à la finale de la Cup à Wembley avec l’intendant Karl Standley. C’était vraiment incroyable, j’étais comme un gosse à Noël. J’y ai fait la préparation de terrain (tonte, installation cages amovibles), puis la mi-temps (passer le balai à rosée pour relever le brin).

Mon pire souvenir devait être lors d’un jour où il pleuvait et faisait froid et que nous étions en train de désherber du synthétique. Donc on peut dire qu’il n’y a pas trop eu de mauvais souvenirs.

Comment s’est passé ton retour en France ?

Je suis revenu en France pour des raisons personnelles. Le projet de Perpignan proposé par Parcs & Sports m’a plu. Il me permettait d’avoir les moyens de ma réussite sans avoir une pression folle en arrivant. Le choc le plus dur a été météorologique avec un climat agréable pour vivre mais compliqué pour le travail.

Avez-vous un message à faire passer aux jeunes qui songeraient à tenter l’aventure à l’étranger ?

Il ne faut surtout pas hésiter et foncer. Si t’as les crocs, tout ira bien. Que ce soit en Angleterre ou ailleurs. Une expérience comme celle-ci t’apporte une autre manière de travailler, ce qui est hyper valorisant.

Corentin RICHARD

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