Coupe du monde 2023 : Comment les pelouses d’entrainement du Mondial ont-elles été suivies ?

L’entreprise iséroise Real Sport Ingénierie a en charge, depuis septembre 2022, le suivi et le contrôle des terrains d’entrainement de la Coupe du monde 2023. Comment la société, menée par Olivier et Cyrille Betemps, a-t-elle fait en sorte de livrer près de 50 terrains d’entrainement répondant aux critères internationaux World Rugby ? Olivier Betemps nous a livré quelques éléments de réponse.

Moins exposés que les pelouses des 8 stades accueillant les matchs de la Coupe du monde de rugby 2023, chaque pelouse d’entrainement a pourtant fait l’objet d’un suivi ultra poussé. Cette mission incombait à la société iséroise Real Sport Ingénierie, qui a remporté en septembre 2022 les deux marchés : l’un pour les camps de base (TBCA) du Sud et l’autre pour ceux du Nord. Ajoutez à cela le suivi et le contrôle des terrains d’entrainement d’avant-match (MCTB), mis à disposition des équipes lorsqu’elles se déplacent loin de leur base, et vous obtenez un total de 48 terrains à accompagner et à suivre quotidiennement, méticuleusement. « Il y a eu 48 terrains à gérer et tout autant de contextes ! Pas un seul n’était pareil ! », nous confie Olivier Betemps, gérant de la société iséroise. Quelques mots qui résument très bien l’envergure de la mission entreprise dès septembre 2022.

Déroulement des opérations

En septembre 2022, Real Sport Ingénierie remporte les deux marchés des camps de base. Dans la foulée débutent les visites des 20 TBCA (Camps de base équipe). Un diagnostic complet a alors été réalisé pour chaque terrain (infrastructures, pente, état général, géométrie, ressources humaines et matérielles, opérations prévues, calendrier des événements prévus lors du mondial, prestataires, plans du système d’arrosage et équipements, historiques des incidents majeurs, etc.)

Dans un second temps, un test in-situ Pro Pitch Natural 15, élaboré par Sports Labs et Real Sport Ingénierie et intégrant 71 mesures, a été effectué. Ces tests Pro Pitch ont permis de donner une note globale aux terrains en prenant en compte 3 critères : qualité de la jouabilité, qualité physique et qualité du gazon.

Ensuite, une synthèse des diagnostics a permis d’établir une stratégie d’entretien. Certains terrains ont nécessité la programmation de travaux lourds (réfection complète de l’infrastructure, du substrat, drainage arrosage, pentes et couverture végétale). Durant les mois de décembre, janvier et février, l’équipe de Real Sport Ingénierie a rendu visite aux MCTB et TBCA pour récolter des données plus précises (risque naturel, historique sur 3 ans….).

Des protocoles pour accompagner les gestionnaires de terrain

Dès lors qu’une stratégie d’entretien a été adoptée pour chaque terrain, il a fallu accompagner les personnes chargées d’entretenir les pelouses. Sur les 48 terrains d’entrainement, les profils variaient, allant du groundsman confirmé ayant l’habitude d’accueillir des matchs de haut-standing au salarié des collectivités territoriales n’ayant aucune expérience dans la préparation de grandes échéances. Il a fallu trouver un juste-milieu pour fournir des informations parlantes à tout le monde. « Nous avons considéré que le greenkeeper lambda qui connait parfaitement son terrain, et le jardinier qui a peu de connaissances étaient au même niveau. Nous avons produit des documents simples que tout le monde pouvait comprendre », explique Olivier Betemps.

Avant de poursuivre : « Il fallait préparer des documents explicatifs précis et pragmatiques pour que les personnes sur place aient tous les détails de l’entretien à réaliser. » Real Sport Ingénierie a donc mis en place et diffusé plusieurs protocoles et cahiers des charges auprès des collectivités (accompagné de plans et schémas) afin d’expliquer précisément les tâches à faire pour respecter les normes World Rugby. Dans ces protocoles figurent des informations relatives au traçage aux normes World Rugby, un plan de tontes, des indications sur les piquets de touche et les poteaux de buts, etc. D’autres documents ont été élaborés afin d’expliquer la récolte des données par Real Sport Ingénierie.

Une batterie de tests et 9000 données récoltées

Pour contrôler et suivre l’évolution de la qualité des terrains, Real Sport Ingénierie à récolter de nombreuses données à l’aide des outils de Sports Labs et du test Pro Pitch, qui est certifié FIFA et World Rugby. L’entreprise fournit une mallette contenant tous les outils de mesure nécessaires afin de réaliser des tests normalisés.

Un test a été créé spécialement pour la Coupe du monde de rugby, avec les critères demandés, en collaboration avec Sports Lab : le test PRO PITCH NATURAL 15. L’ensemble des tests est réalisé sur 6 points différents, définies avec l’expert pelouse. Pour mémoire, certains terrains ont été testé sur 40 voir 80 points… 

• • Traction/rotation
  • Perméabilité
  • Rebond du ballon

    

  • Roulement du ballon
  • Dureté
  • Humidité
  • Température du sol
  • PH du sol
  • Profondeur racinaire
  • Planimétrie
  • Hauteur du gazon
  • Densité
  • Mauvaises herbes
  • Maladie
  • Uniformité du couvert végétale

Grace aux tests et à l’application qui centralise les données, Olivier Betemps a pu suivre techniquement chaque terrain. Ces tests permettent de connaitre la qualité de jeu, la qualité physique et la qualité du gazon du terrain. Ces trois critères sont ensuite compilés pour donner une note globale au terrain (star rating allant d’un score de 0 à 125)

Ces tests ont au moins été réalisés une fois par Real Sport Ingénierie, et certains terrains ont même été testés plusieurs fois. Les données récoltées (plus de 9000 au total) ont été transmises à l’organisation mais aussi aux équipes, dont certaines sont très friandes de data. « Comme ces valeurs engagent la sécurité des joueurs, il fallait que tout soit parfait. C’est beaucoup d’entretien en amont, beaucoup de data afin d’avoir des valeurs fiables, sans tricher. L’idée c’était d’avoir des valeurs factuelles, quitte à ce qu’elles ne soient pas excellentes, pour ensuite enclencher des entretiens qui permettent de faire varier ces valeurs dans le bon sens », explique Olivier Betemps.

Mais la récolte de données ne s’arrête pas là. Chaque responsable de terrain s’est vu confié un accès personnalisé à l’application mobile PRO PITCH dans le but de réaliser un test mensuel pour garnir le suivi des terrains de données. Une fois par mois, les jardiniers ont dû réaliser eux-mêmes un test ciblé sur la couverture végétale et la masse racinaire (densité, maladies, etc.) Ces rapports mensuels ont permis à REAL SPORT Ingénierie d’avoir des historiques précis de tous les terrains et de vérifier l’évolution sur chaque critère. L’objectif de l’application et du protocole étant de récupérer le plus de data possible sur les 50 terrains pour identifier et anticiper d’éventuelles problématiques.

Une proximité constante avec les jardiniers de terrain

Afin de suivre, accompagner et échanger avec le personnel de terrain assigné à l’entretien de chaque pelouse, Real Sport Ingénierie a mis en place une « hotline » via Whatsapp, aussi bien pour les TBCA que les MCTB. Ainsi chaque terrain d’entrainement a pu remonter des informations via le groupe Whatsapp qui lui était dédié, 24h/24, afin de gérer tout type d’incident et de pouvoir traiter sans délai toutes les alertes signalées.

Les groupes réunissaient à la fois des membres de France 2023, les experts pelouses (Andy Cole pour RWCL, Real Sport) et les gestionnaires de terrains locaux. Chaque jour, les responsables des terrains envoyaient 2 photos du terrain et les opérations prévues. « Ces groupes donnaient lieu à des échanges de spécialistes. Nous n’imposions rien, sauf en cas de gros problème. Il est très important de rester modeste car il n’y a que la personne qui travaille depuis plusieurs années sur son terrain qui le connait parfaitement. Ce sont des discussions très intéressantes car personne n’est là pour être dans la contradiction, mais simplement pour s’assurer que lorsque l’équipe arrive, le terrain est bien tracé, bien tondu, pas dangereux », explique Olivier Betemps de Real Sport Ingénierie.

La mission entreprise en septembre 2022 touchera à sa fin le 27 octobre, date des derniers entrainements pour les finalistes. « Pour moi, cette mission a été une stratégie globale. Comment réussit-on à gérer 50 terrains, en un an, avec un objectif de qualité très élevée ? Cela passe par des protocoles simples qui s’adaptent à tous les niveaux. Il y a des sachants, des moins sachants, mais l’objectif était commun. Il est important de souligner que toutes les collectivités se sont prêtées au jeu et ont eu la volonté d’offrir la meilleure pelouse possible Il a fallu entretenir une certaine confiance avec les responsables de terrain, respecter le côté humain, et les impliquer totalement », résume Olivier Betemps. Il ne reste que quelques jours pour déterminer si la mission de Real Sport Ingénierie a été un franc succès. Mais la majeure partie du chemin a été parcouru sans encombre.