Charles de Cordon, régisseur des hippodromes de Lyon: «Je préfère être à l'écoute de mes hommes »

Publié le 13 juillet 2017 à 08h54

Catégorie : Pratiques

S’il doit jongler entre les deux hippodromes de la proche banlieue lyonnaise, Charles de Cordon peut s’appuyer sur une équipe de douze personnes. Ses maîtres-mots pour la gestion des pistes: observation et travail manuel.

Pour commencer, pouvez-vous nous exposer l’organisation des deux hippodromes dont vous avez la charge ?

La Société des Courses Lyonnaises (SCL, association loi 1901) regroupe les hippodromes Carré de Soie et de Parilly (la fusion a eu lieu en 2010, avec la création de la SCL). L’hippodrome Carré de Soie (à Vaulx-en-Velin) est spécialisé dans les courses d’hiver, et est doté d’une piste fibrée, tandis que l’hippodrome de Parilly (à Bron) est spécialisé dans les courses sur pistes en herbe, notamment de saut d’obstacle. Outre une ligne droite de 1000 mètres, il comprend un parcours de cross, un couloir de steeple et un couloir de haies. Je suis arrivé à la SCL en 2011 en tant que régisseur.

Combien de membres comprend votre équipe et comment s’organise-t-elle sur les deux sites ?

J’ai douze personnes sous ma responsabilité dédiées aux pistes et aux boxes qui naviguent sur les deux sites, en plus de deux chefs d’équipe, chargés du management au quotidien sur chacun des deux sites. Mon chef d’équipe sur le Carré de Soie est spécialisé dans l’Hipphotel (service de location de boxes pour chevaux – ndlr).

Intéressons-nous plus particulièrement à l’hippodrome de Parilly et à sa piste engazonnée. Comment est-elle gérée tout au long de l’année ?

L’hippodrome de Parilly est classé en Catégorie 1 et peut accueillir des courses très rapides grâce à sa ligne droite de 1000 mètres – ce qui est le cas de peu d’hippodromes en France. Le centre de la piste accueille quant à lui les obstacles de cross. Particularité notable: le cross de Parilly passe par le parc (40 hectares) attenant à l’hippodrome, ce qui en fait une épreuve très spectaculaire et sélective.

En hiver le gazon est laissé au repos jusqu’au mois de mars. La première implantation d’engrais se fait fin février, afin d’avoir un gazon bien vert lors de la reprise des courses à la mi- mars. Au préalable, en février, nous aérons et drainons le parcours avec le Vertidrain© (à 0,6 km/h, à raison d’un tour tous les 10 cm), en utilisant seulement les pointes, sans faire de carrotage.

Nous réservons un traitement spécifique à la corde, en faisant passer le couloir de haie mobile à l’extérieur de la piste pour limiter les impacts. Grâce à cela, la corde est redevenue très homogène. Car auparavant, les impacts consécutifs aux courses de saut d’obstacle – accentués par les courses de plat – étaient parfois difficiles à reboucher.

Nous changeons également la lice de place plusieurs fois par an, en la décalant de 5, 10, voire 12 mètres vers l’extérieur, afin d’éviter que les chevaux piétinent toujours aux mêmes endroits de la piste.

Vous avez évoqué le travail de remise en place du gazon après les courses : quelle méthodologie appliquez-vous ?

Le battage nous occupe généralement une bonne moitié de la semaine de travail. Il arrive que nous recevions jusqu’à trois réunions de courses dans la même semaine. Nous nous organisons selon le calendrier des réunions fourni un an à l’avance par France Galop (deux mois en amont des réunions, France Galop communique un calendrier plus précis, avec l’horaire des courses à la minute près!).

Mes hommes ont à leur disposition des massettes en bois pour reboucher les impacts, mais c’est un travail tellement ingrat que je laisse ceux qui le souhaitent récupérer leurs houes. Celles-ci abîmeraient plus le gazon, mais honnêtement, je ne vois aucune différence. Et je préfère être à l’écoute de mes hommes ; dès que je peux faire quelque chose pour leur faciliter la tâche, je le fais.

Comment gérez-vous l’arrosage de la piste ?

Sur toute la zone d’obstacle, l’arrosage est automatisé et effectué de nuit. Le plat est arrosé en journée, de préférence le matin, pour pouvoir prendre en compte la direction du vent : si par exemple nous constatons en visuel que l’arrosage de la corde pâtit d’un vent contraire, nous le mettons à l’arrêt en attendant que le vent tombe. Idem si la corde fait l’objet d’un excès d’eau résultant de l’arrosage de l’extérieur de la piste. Le tout est d’éviter que la piste ait une souplesse hétérogène. Sur ce plan, je me fie beaucoup aux observations de mon homme de piste.

Comment est constitué votre système d’arrosage ?

Nous disposons de neuf tronçons d’arrosage disposés en quinconce sur le plat. Le système est alimenté par trois stations de pompage immergées de 230 m3/h. L’eau est directement prélevée sur les nappes phréatiques de Saint-Priest. Mais nous sommes précautionneux sur la gestion des ressources en eau ; nous évitons d’arroser en journée lors des périodes de forte chaleur. Parce que nous avons des comptes à rendre à la Métropole du Grand Lyon, mais aussi et simplement par principe : ce serait incompréhensible d’agir de la sorte pour le public qui fréquente le parc jouxtant l’hippodrome. Et il ne se priverait pas de nous le faire remarquer !

Bénéficiez-vous d’une gestion centralisée pour l’arrosage ?

Non, nous n’avons pas de système de supervision. Encore une fois, nous gérons l’arrosage au jugé.

Comment procédez-vous pour le renouvellement du matériel ?

J’établis un budget prévisionnel chaque année autour de septembre, en prenant en compte les demandes de mes deux chefs d’équipe. Ce budget prévisionnel est finalisé en novembre, avant d’être soumis au président ainsi qu’au Conseil d’Administration de la SCL. En fonction de l’enveloppe qui nous est allouée, nous fixons les priorités et laissons de côté les besoins moins urgents. Notre budget tourne autour de 350 000 € par an.

Tous les deux ans j’essaie d’acheter un nouveau tracteur. Cette année, nous devons régénérer la piste fibrée de l’hippodrome du Carré de Soie ; nous réduisons donc un peu les investissements en matériel.

Sentez-vous une pression médiatique par rapport au rendu visuel du gazon ?

Selon moi, ce sont plus les jockeys qui commentent régulièrement l’état du gazon, qu’il soit bon ou mauvais. Il ne faut pas se louper avec la mesure au pénétromètre ! (instrument qui permet de mesurer la souplesse de la piste avant chaque réunion – ndlr).

Vous avez évoqué l’Hipphotel comme activité annexe. Est-ce une selon vous obligation pour les hippodromes de diversifier leur offre ?

Il est vrai que les courses hippiques doivent faire face à la concurrence des paris sportifs. Par ailleurs, la retransmission télévisée des courses n’incite pas le public à venir sur l’hippodrome… Les sociétés « mères » – le Cheval Français, France Galop – dispensent leurs homologations en fonction de la qualité des pistes ; plus l’état des pistes est bon, plus le nombre de courses programmées est important. Il faut donc être performant sur l’entretien des pistes, mais aussi investir dans celui des locaux, des tribunes… Cela requiert des moyens financiers ; c’est pourquoi il faut trouver des sources de revenus annexes : location de salons et de tribunes pour les entreprises, Hipphotel, etc.

Rédaction GSPH24

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