[Débat d'idées] Romain Giraud, Natural Grass: « Le manque de connaissance sur certains nouveaux pathogènes rend difficile le contrôle des épidémies »

Publié le 26 juillet 2019 à 06h45

Catégorie : Paroles d’experts

Nous continuons notre série de tribunes « 0% phyto, 100% mytho? » avec la deuxième partie de l’interview de Romain Giraud, ingénieur agronome et chargé de recherche chez Natural Grass. 

Pour consulter la première partie de l’interview, c’est par ici.

Quelles peuvent-être les solutions pour pallier le recours aux produit phytosanitaires (Arrosage? Parcours mettant plus l’accent sur la prophylaxie? Gestion affinée de l’arrosage? Etc.) ?

Si le « zéro phyto » doit être imposé, c’est d’abord un ensemble de pratiques et de solutions intégrées dans un plan de gestion globale, comme cité précédemment qui constituent la solution. C’est également une attente du public ou des joueurs qui doit être revue à la baisse avec une certaine tolérance d’une qualité parfois moindre des surfaces lors d’inévitables épidémies. Enfin, une approche scientifique reposant sur des méthodes objectives et neutres doit guider aussi bien le raisonnement de l’intendant que les conseils donnés par les différents intervenants de la filière.

Pour finir, n’oublions pas le coût de l’entretien et des méthodes alternatives. La question des moyens disponibles est souvent peu abordée alors qu’elle représente clairement un facteur limitant. En effet, certains clubs/communes/agglomérations/golfs ne disposent pas toujours des moyens nécessaires pour rénover leur parcours/terrains ou investir dans des travaux, opérations de maintenance coûteuses. Ainsi, certains intendants se retrouvent face à des contraintes budgétaires sur des terrains ou parcours vieillissants évidemment plus sensibles aux problématiques sanitaires. Lorsque l’outil de base n’est plus optimal, les solutions alternatives n’exercent alors plus qu’un rôle limité et viennent « colmater » les problèmes de fond.

« La question des moyens disponibles est souvent peu abordée alors qu’elle représente clairement un facteur limitant. »

Selon vous, les intendants de terrains de sport sont-ils soumis à une « phyto-dépendance »? Si oui, pourquoi? Et y a-t-il des disciplines (parmi les suivantes: golf, football, rugby et hippisme) qui y sont plus sujettes que d’autres?

Je ne parlerais pas de « phyto-dépendance » dans le sens où les intendants n’utilisent pas de manière compulsive les produits phytosanitaires. Bien au contraire, ces derniers ont plutôt tendance à les utiliser en dernier recours, en cas de maladie déclarée, afin de limiter au maximum les applications sur la saison. Le problème avec cette méthodologie, c’est qu’elle mène parfois à des impasses puisque certains pathogènes atteignent des stades de développement où les produits, de plus en plus limités sur le marché français, ne permettent plus un contrôle suffisant, menant à long terme à des résistances et à une efficacité moindre des matières actives.

De plus, le manque de connaissance sur certains nouveaux pathogènes rend difficile le contrôle des épidémies par l’intendant puisqu’aucun produit (biocontrôle ou fongicide) n’est homologué officiellement pour ces nouveaux usages. La pyriculariose est encore un bon exemple. C’est pourquoi il est à mon sens primordial de mieux connaître les pathogènes traités (diagnostic, évolution des populations, moyens de luttes), ce qui est difficile à l’heure actuelle puisque les unités de recherche publiques travaillant sur le sujet sont rares, du fait d’une filière gazon relativement petite dans l’hexagone par rapport à la filière agricole.

Comment jugez-vous l’évolution de la réglementation française? La filière « terrains de sports » parvient-elle à faire valoir ses doléances ?

Je pense que la réglementation est parfois trop rapide et tranchée sur certaines thématiques (interdiction des produits phytosanitaires) et trop lente sur d’autres (réglementation sur les biostimulants, additifs agronomiques, biocontrôle). Celle-ci doit pouvoir encadrer un marché qui connaît des problématiques en développant fortement l’innovation sur les solutions alternatives. À titre d’exemple, seules deux références sont actuellement autorisées en biocontrôle sur les champignons pathogènes du gazon.

redactionateprofield.com (Idir Zebboudj)

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Rédaction GSPH24

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