[Débat d'idées] Romain Giraud, Natural Grass: « Le Zéro phyto est incompatible avec la qualité exigée actuellement »

Publié le 12 juillet 2019 à 10h21

Catégorie : Paroles d’experts

Voici la première partie de l’interview de Romain Giraud, ingénieur agronome et chargé de recherche chez Natural Grass, qui répond à notre série de tribunes « 0% phyto, 100% mytho? » 

Selon vous, est-il possible de faire du 0% phyto en terrain de sport ? Et si oui, sous quelles conditions?

La question est à la fois complexe et simple. Si je dois donner un avis simple objectif, je dirais simplement « non ». L’attente vis-à-vis de la qualité des surfaces engazonnées (golfs, terrains de sports) a clairement augmenté ces dernières années et le zéro% phyto est incompatible avec la qualité exigée actuellement. Cette qualité a été rendue possible par une amélioration des compétences techniques des intendants et de la filière en général mais aussi par une utilisation, certes en nette diminution (il faut le souligner) mais encore nécessaire des fongicides. Le problème majeur réside dans la dépendance météorologique marquée du développement des champignons pathogènes. Ainsi, malgré les excellentes compétences de l’intendant, un automne ou un hiver doux et humide ou encore des étés caniculaires et secs favorisent largement l’apparition de certains pathogènes. Le changement climatique à l’œuvre ces dernières années est également propice au développement de champignons pathogènes jusqu’alors peu présents sur le territoire. L’exemple de la pyriculariose (Gray Leaf Spot) illustre parfaitement ce dernier point.

« Malgré les excellentes compétences de l’intendant, un automne ou un hiver doux et humide ou encore des étés caniculaires et secs favorisent largement l’apparition de certains pathogènes »

Existe-t-il en l’état des solutions crédibles aux fongicides? Les produits de biocontrôle leur sont-ils directement substituables?

Il existe des alternatives principalement préventives aux fongicides. Elles sont selon moi non substituables seules mais permettent de limiter les risques et l’intensité des épidémies si elles sont cumulées les unes aux autres dans un plan de gestion globale.

Par exemple, les avancées en termes de sélection variétale ont permis aujourd’hui d’obtenir peu à peu des cultivars plus résistants à certains pathogènes, dans la limite de chaque espèce.

Le marché des biostimulants en pleine explosion est également une source d’excellentes solutions potentielles. Il manque toutefois à ce sujet des résultats d’expérimentation transparents concernant leur utilité précise sur les gazons.

Les produits de biocontrôle à base de microorganismes sont à mon sens un des leviers majeurs dans la gestion des pathogènes du gazon. Il reste cependant un travail conséquent à faire sur la compréhension de la microbiologie des sols et des substrats sportifs, en particulier pour mieux utiliser les souches disponibles et obtenir des résultats plus systématiques. Soulignons aussi le problème du système d’homologation actuel (biostimulants, biocontrôle) qui représente un potentiel frein à l’innovation pour des entreprises de taille raisonnable, largement présentes sur le marché du gazon qui ne peuvent absorber le coût d’une telle procédure.

Les innovations remarquables du matériel à disposition (systèmes d’irrigation, tondeuses, aérateurs divers et variés, ventilateurs, machines à ultraviolets ou encore outils de mesures) complètent la boîte à outils de l’intendant dans la gestion des surfaces engazonnées.

La gestion globale par l’intendant du parcours ou du terrain reste toutefois le socle majeur sur lequel viennent s’ajouter les solutions citées précédemment. Le choix des cycles d’arrosage, des opérations mécaniques, la qualité des tontes, les sablages, la fréquence, le type et la quantité d’éléments fertilisants apportés restent les leviers principaux dans la gestion préventive des pathogènes. L’ensemble est complexe et le métier d’intendant requiert désormais des connaissances et un savoir-faire variés encore peu reconnus et pas assez valorisé en France. La science, la recherche et sa transmission est importante pour faire évoluer et optimiser les pratiques. Celle-ci provient malheureusement de l’étranger, la plupart du temps et n’est pas vraiment relayée sur le territoire.

redactionateprofield.com (Idir Zebboudj)

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Rédaction GSPH24

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