[Enquête] Entretien-maintenance des terrains de sport: l'enjeu de la performance – Episode 3
Publié le 6 septembre 2019 à 10h09
Catégorie : Pratiques
Quelle que soit la discipline, la pratique du sport professionnel implique des terrains durablement en bon état, autant pour offrir les meilleures conditions de sécurité aux utilisateurs que pour assurer le spectacle. Dès lors, l’entretien-maintenance revêt un enjeu stratégique. Pour répondre aux exigences du haut niveau, les propriétaires de terrains (publics ou privés) sont amenés à recourir aux services d’une société spécialisée. L’objectif de cette enquête est d’explorer les raisons d’un tel choix : externalisation des coûts, manque de moyens humains et matériels, considérations budgétaires… Cette semaine, troisième et dernière partie de notre enquête.
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Partie III : le cadre légal, administratif, contractuel
Suite à une modification du Code des Marchés Publics survenue en 2015, les collectivités ne sont pas tenues de procéder à un appel d’offre public pour des marchés d’une valeur inférieure à 25000€ HT. Un palier a priori trop bas pour des prestations d’entretien, qui paraît plus correspondre à des interventions ponctuelles. La passation de marchés via appel d’offres public apparaît donc comme la norme dans l’attribution des contrats d’entretien . La durée maximale des contrats passant par appels d’offres est de quatre ans. « Les appels d’offres privés existent également », ajoute Patrice Therre, gérant de Novaréa. Tout réside dans la volonté du maître d’ouvrage privé de mettre en concurrence plusieurs sociétés plutôt que d’opter pour un marché de gré à gré.
La durée des contrats est à géométrie variable, généralement comprise entre deux et cinq ans. Dans certains cas, notamment dans le cadre des PPP (Partenariats-public-Privé), la durée de ces contrats peut être supérieure. C’est le cas concernant le stade Pierre-Mauroy de Lille, pour lequel Terenvi a resigné en 2016 avec Vinci Stadium pour une durée de huit ans.
Du point de vue des prestataires, l’intérêt est d’obtenir un contrat d’une durée suffisante pour permettre un amortissement des investissements consentis pour l’achat et l’entretien de matériel.
« L’entreprise s’adapte et n’a pas la possibilité d’orienter ce paramètre, prévient François Leroux, président du directoire de Sport International. Notre tâche en tant que candidat est de postuler au mieux financièrement et qualitativement. »
« La plupart des contrats signés par Sportingsols sont de cinq ans lorsqu’il s’agit de clients des privés. C’est un minimum pour parvenir à assurer nos amortissements, précise pour sa part Robert Jobard, directeur général. Pour les collectivités, nous pouvons être amenés à sceller des contrats d’un an avec tacite reconduction. »
En toute logique, ces contrats peuvent prévoir des clauses de garantie de résultats, à la discrétion du client – et en cohérence avec le type de terrain, ainsi que son ancienneté: le taux de couverture végétale, la profondeur d’enracinement, le niveau de dureté du sol, sa résistance à la traction, l’épaisseur de feutre, sont les critères les plus fréquemment et spontanément cités par les personnes interrogées dans le cadre de ce dossier.
La hauteur de gazon peut également en faire partie, même si ce critère répond parfois plus à une stratégie de jeu (selon le sport pratiqué et les conditions de jeu voulues par l’utilisateur). Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se référer aux méthodes encore employées dans le Championnat de France de football, où une équipe jouant à domicile peut décider de la hauteur de tonte selon l’adversaire accueilli…
À en croire le témoignage de François Leroux, ces obligations de résultats peuvent prendre un tour moins « puriste », laissant de côté les paramètres techniques rendant compte des caractéristiques des gazons :
« Tout dépend de ce qui est convenu avec le club : il peut s’agir d’un contrat adossé à une garantie de moyens (tant de personnes à temps plein dédiées à l’entretien) ou à une garantie de résultats qui, pour un club de L1, peut se traduire par une place dans le Top 5 au classement final du Championnat des pelouses. »
S’il a le mérite de la clarté, ce genre de clause repose sur des critères un peu plus « flottants » que ceux décrits plus haut, plus techniques. Car une telle garantie de résultat implique pour le prestataire de se caler sur le cahier des charges de la LFP, susceptible de connaître des évolutions au gré de ses mises à jour.
Entre concurrence et bonne entente…
Au vu de l’étroitesse du marché – une cinquantaine de terrains de grand jeu, auxquels on ajoutera quelques golfs – on pourrait penser en première approche que la concurrence fait rage entre la dizaine d’entreprises en mesure de se positionner sur des prestations de haut niveau. Mais l’écho émanant des professionnels a une tonalité un peu plus nuancée :
« La mise en concurrence existe, il y a forcément une guerre sur les prix, mais au bout d’un moment elle s’arrête. Chaque entreprise affiche la volonté d’obtenir un marché certes, mais aussi celle de faire son travail dans les règles de l’art. » – Jean-Michel Hurlus, directeur technique de Terenvi.
« Plus la valeur ajoutée est présente, moins il y a de guerre des prix » – Hervé Lançon, P-DG d’ID Verde.
Et aussi surprenant que cela puisse paraître, le marché semble bénéficier d’une sorte d’ « entente » entre ses différents acteurs. Non pas une entente sur les prix, comme on a pu l’observer dans certains « cartels » (téléphonie, grande distribution…) mais une sorte de bonne intelligence entre acteurs, reposant sur l’historique des implantations géographiques de chacune des entreprises : Sport International est essentiellement implanté dans le Grand Ouest, de même que Sportingsols, Parcs & Sports a la plupart de ses références dans le quart sud-est, Terenvi est très présent dans nord du pays, de même qu’ID Verde (qui a également quelques références en Île-de-France)… Bien entendu, cette « carte de France des prestataires » est très schématique, et les sociétés peuvent tout à fait obtenir des contrats en dehors de leur zone de chalandise. Certains prestataires collaborent parfois à un même chantier :
« Au stade Marcel-Picot (Nancy), Terenvi était sous-traitant de Parcs & Sports pour faire face à un chantier en intersaison ; il a fallu mobiliser du matériel et du personnel dans un temps très court, en ménageant néanmoins un intervalle suffisant à un semis puis à la croissance du gazon », témoigne Jean-Michel Hurlus.
Ce genre de collaboration n’aurait rien d’exceptionnel selon l’intéressé : « Nous sommes souvent plus partenaires que concurrents, on se soutient mutuellement. » Il est vrai que les professionnels du gazon constituent somme toute un milieu où tout le monde se connaît ou presque, ce qui explique pour partie ces relations de bon voisinage : « La concurrence existe, mais le relationnel est encore prépondérant dans le milieu, il existe des relations historiques », observe Patrice Therre. Mais surtout, et à l’instar de Jean-Michel Hurlus, beaucoup d’acteurs interrogés expliquent aussi cette bonne entente par la qualité de service qu’exige le haut niveau. En la matière, le critère géographique revêt un aspect fondamental : « Du fait des exigences du haut niveau, il n’est pas question pour nous de traverser la France juste pour se positionner sur un marché », résume François Leroux. Les frais de déplacement entrent clairement en ligne de compte :
« Ces coûts de déplacement font que parfois, il est préférable de respecter le contexte local plutôt que de vouloir se poser en concurrent frontal ; si un prestataire historique fait correctement son travail depuis des années – pour l’arrosage, ou la maintenance électrique par exemple – nous préférons tenter de travailler avec lui.»
redactioneprofield.com (Idir Zebboudj)
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