Etude sur les besoins en lumière des graminées

Publié le 7 juin 2023 à 07h00

Catégorie : Recherche & innovation

Le Dr Daniel Hahn, agronome du gazon et ancien golfeur, a lancé une étude sur les besoins en lumière des graminées. Il a accepté de nous en dire plus sur ses recherches et les résultats qui en découlent.

Au même titre que l’eau et l’oxygène, la lumière fait partie des éléments indispensables pour une bonne croissance des plantes, et, à fortiori, des graminées. Dans les enceintes d’aujourd’hui, comme les stades actuels, les graminées peuvent être privées de lumière en raison de la hauteur des tribunes et de leur ombre-portée. Des systèmes de luminothérapie peuvent pallier ce problème. Mais savons-nous réellement quantifier les besoins en lumière de chaque graminée ? Pour le Dr Daniel Hahn, agronome du gazon, il y a trop peu d’informations à ce sujet. Il a donc décidé de lancer lui-même sa recherche et a accepté de communiquer son processus et ses résultats à Gazon Sport Pro H24.

Termes et unités de mesure

Il est dans un premier temps nécessaire de faire un point sur les terminologies et les unités de mesure utilisées lors de l’expérience. Le rayonnement photosynthétiquement actif (PAR) est un rayonnement dont les longueurs d’onde s’étendent de 400 à 700 nm et que les organismes photosynthétiques utilisent dans le processus de photosynthèse.

Les PAR se mesurent en µmol/mètre carré/seconde. La micromole (µmol) est une unité de mesure de quantité de matière. Sous le plein soleil, 2000 µmol/mètre carré/seconde sont produits. Chaque seconde a une quantité unique de PAR sur une journée complète. Pour obtenir l’intégrale de la lumière quotidienne (DLI), il faut donc additionner les mesures de PAR pour chaque seconde d’ensoleillement (ce qui représente à peu près 50 000 mesures).

Le DLI (Daily Light Integral) est la quantité de rayonnement photosynthétique actif (PAR) reçue chaque jour en fonction de l’intensité lumineuse et de la durée. Il s’exprime en mol/mètre carré/jour. 1 mol de PAR = 1 000 000 µmol.
Le DLI est utilisé par les scientifiques du gazon pour signaler les besoins en lumière des espèces de gazon.

Quelle quantité de lumière les espèces de gazon ont-elles besoin pour produire une qualité acceptable ?

Dans ses recherches, le Dr Daniel Hahn fait état de certaines données sur diverses espèces de gazon gérées selon différents régimes de gestion. C’est ce que montre le tableau 1.

DLI minimal requis par différentes espèces de gazon.
Source : Daniel Hahn

 

Par exemple le Ray-grass anglais, dans les fairways, a besoin d’un DLI minimal de 10 mol/m²/jour. Delon Daniel Hahn, la littérature manque d’informations sur les exigences en DLI des principales espèces de gazon de saison froide comme les fétuques, les agrostides, le paturin des prés et d’autres. Il a donc décidé de mener une étude préliminaire pour estimer la quantité de lumière qu’exigent six espèces de gazon pour produire une qualité acceptable :

        • Lolium pérenne (Ray-grass)
        • Festuca rubra commutata (fétuque rouge gazonnante)
        • Festuca trachyphylla (fétuque ovine)
        • Poa patensis (paturin des prés)
        • Agrostis capillaris (agrostide capillaire)
        • Agrostis stolonifera (agrostide stoloniphère)

 

Méthodologie

Les six espèces différentes ont été cultivées dans des pots de 0,0196 m². Ces pots étaient arrosés trois fois par jour avec un total de 10 ml par pot afin de garder les graines et le sol humides pour faciliter la germination. Dès lors qu’elles ont germé, l’apport en eau quotidien a été doublé (20 ml). Puis une fois la germination complétée, un seul apport quotidien de 60 ml d’eau a été effectué. Toutes les deux semaines (après germination), 1,8 g d’azote a été ajouté aux pots avec l’engrais Kamasol Brilliant Grün 10-4-7.

Matériel végétal utilisé dans cette étude

Trois tentes avec trois intensités de lumière différentes (125,250, 500 µmol produits 16 h par jour) ont été installées pour l’expérience. Chacun des cultivars étaient plantés dans trois pots dans chaque tente, il y avait donc au total 18 pots par tente.

Conditions dans chaque tente

 

Résultats de l’expérience

Aux extrémités de chaque tente, certains pots n’ont pas germé. Environ deux pots par tente ont été retirés de l’analyse.

Après 8 jours : tous les pots ont germé dans la tente à 500 µmol, ce qui n’est pas le cas dans les autres tentes. « C’est probablement un effet des températures plus élevées dans la tente avec une intensité lumineuse plus forte », conjecture Daniel Hahn.

Après 10 jours : le Ray-grass (Lolium) a germé de façon homogène dans toutes les tentes. La croissance des semis étaient toutefois plus avancée dans la tente à 500 µmol. L’agrostide a aussi germé mais s’est agglutiné dans un coin. « Il était plutôt difficile de semer l’agropyre de façon homogène en raison de la petite taille des graines », indique l’agronome. Avant de poursuivre : « De façon générale, l’intensité lumineuse a eu un effet mineur mais significatif sur la qualité du gazon ».

Les graphiques ci-dessous indique pour chaque graminée soumis à des intensités lumineuses différentes (125,200 ou 500 µmol) un score visuel (entre 0 et 9) x jours après le jour de germination (DAS = Day After Seeding).

 

Parmi les 6 graminées de l’expérience, le Lolium pérenne a été la plus rapide à se développer. Il est également le cultivar qui a produit le plus de biomasse à la fin de l’expérience. « Il semble que Lolium est une espèce candidate très intéressante pour les situations de gazon sous faible qualité de lumière en raison de leur capacité de germination rapide et de leur capacité à produire de la biomasse/fermer la canopée rapidement », indique Daniel Hahn.

 

Les résultats se sont montrés peu concluants avec la Festuca trachyphylla (fétuque ovine). En revanche, pour la Festuca rubra commutata (fétuque rouge gazonnante), plus l’intensité lumineuse était forte (500), plus la qualité du gazon était importante.

 

Les résultats ne sont pas concluant non plus pour les deux espèces d’agrostis. La qualité du gazon d’agrostis capillaris était meilleure avec une intensité lumineuse de 500. Enfin le Poa pratensis (pâturin des prés) a présenté une mauvaise germination, qu’importe l’intensité lumineuse. « En examinant la littérature, il semble clair que Poa pratensis nécessite beaucoup de lumière pour la germination et la croissance. Poa pratensis est couramment utilisé comme une espèce de gazon pour le football, il est toutefois douteux qu’une telle espèce soit adapté aux environnements de stade car potentiellement beaucoup de lumière doit être complétée. Basé sur les résultats, Lolium semble être une espèce plus appropriée », explique l’agronome.

Rendu visuel de chaque pot de cultivar à l’issue de l’expérience.

 

Conclusion

« En résumé, les résultats ont montré que Lolium est une espèce supérieure pour les conditions de faible luminosité, tandis que Poa pratensis n’est pas adapté. Des espèces comme Lolium sont utilisées pour la construction de tee de golf. Les problèmes avec les tees de golf ombragés sont probablement les domaines les plus intéressants pour des recherches ultérieures et nous devrions nous concentrer sur la façon dont nous pouvons développer un système de lumière mobile et établir une surface de Lolium dense et de haute qualité. Les espèces d’agrostis sont utilisées pour le gazon fin comme les greens de golf, l’effet de la lumière sur ces espèces reste incertain. Des recherches pourraient éventuellement porter sur la façon d’obtenir une croissance plus saine du gazon sur les greens de golf problématiques qui sont habituellement plus malades que d’autres. Si l’éclairage supplémentaire réduit la pression de la maladie, un système mobile serait une stratégie très intéressante pour prévenir les infections automnales et produire une pelouse saine avant d’entrer dans le mois d’hiver. Habituellement, un gazon en mauvaise santé au début de l’hiver sera touché par les maladies un mois plus tard (moisissure de neige). »

 

Le Dr Daniel Hahn est le propriétaire de Hahn Turf agronomy, qui se concentre sur le conseil agronomique indépendant de terrains de golf, les projets de sciences appliquées et le soutien à la R&D pour les start-ups et les entreprises. Il est également un ancien joueur de golf professionnel et greenkeeper. Il a écrit de nombreux articles scientifiques, articles de magazines et billets de blog. Vous pouvez retrouver certains de ses écrits sur son site internet en cliquant ICI.

Corentin RICHARD

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