Fontainiers de golf : Les gardiens d’une ressource vitale
Publié le 21 mars 2025 à 10h00
Catégorie : Pratiques
Souvent dans l’ombre du métier d’intendant ou de jardinier, le fontainier est pourtant essentiel sur un parcours de golf. Garant de la gestion de l’eau et du bon fonctionnement du système d’irrigation, il joue un rôle clé dans la préservation des greens et des fairways tout en optimisant une ressource précieuse.

Sans e(a)ux, pas de jeu ! Souvent méconnus du grand public, les fontainiers jouent un rôle primordial dans l’entretien des parcours de golf. La sécheresse de 2022 a quelque peu mis en lumière le métier et son importance. Face aux enjeux climatiques, leur rôle est devenu de plus en plus stratégique. Gazon Sport Pro H24 a récolté les témoignages de trois fontainiers : Joshua Aparicio (Golf de Saint-Appolinaire), Axel Maucoronel (Intendant adjoint et fontainier au Golf Club d’Aix-les-Bains) et Clément Alberca (Golf de Valescure). Ils vous proposent de plonger dans ce métier exigeant et technique.
Les maîtres de l’eau
L’eau est une ressource essentielle sur un golf. Sans elle, le gazon ne pousserait plus. Sa bonne gestion fait partie des impératifs pour garantir des surfaces de jeu de qualité : elle est la responsabilité du fontainier.
La principale mission du fontainier est d’assurer l’arrosage des surfaces de jeu. Il est en charge de tout le réseau d’irrigation, ce qui comprend la maintenance des stations de pompage, la gestion des arroseurs automatiques, l’entretien des réserves d’eau et le suivi des données d’humidité.
Sa palette d’intervention est très large. « Cela concerne les fuites sur le réseau, les pannes électriques, les interventions sur les éléments de pompage, l’entretien des réserves d’eau et de leur qualité, la création de réseaux, l’utilisation de logiciels spécifiques au golf… », énumère Axel Maucoronel, intendant-adjoint et fontainier au Golf Club d’Aix-les-Bains.
Une attention particulière est portée aux greens. Leur taux d’humidité est constamment contrôlé à l’aide d’une sonde portative comme le TDR ou le POGO. « Il faut être capable d’identifier l’humidité des greens. S’ils sont trop secs je dois les arroser manuellement avec le tuyau », explique Joshua Aparicio, en poste au Golf de Saint-Appolinaire.
Comment se former au métier de fontainier ?
Pour se former au métier de fontainier, il existe un Certificat de spécialisation (CS) « Arrosage automatique : espaces verts et sols sportifs » dispensé dans huit organismes de formation en France. Mais bon nombre de fontainiers se sont formés sur le terrain, au contact d’autres fontainiers qui leur ont transmis leur savoir. Avant d’enrichir leurs connaissances via des formations dispensées par l’AGREF ou en interne, avec l’intervention d’entreprises spécialisées.
Le fontainier et l’intendant travaillent en tandem : l’un analyse, l’autre décide. Le premier doit s’adapter aux demandes du second au niveau des taux d’humidité demandés, surtout en été où un excès d’humidité peut causer des maladies. Inversement, le fontainier détecte les prémices de stress hydrique, ce qui permet à l’intendant d’ajuster la stratégie d’entretien en conséquence. « L’intendant du parcours nous apporte un cadre et un niveau d’exigence, nous lui apportons nos observations », résume Clément Alberca, qui exerce ce métier depuis 6 ans.
Entre savoir-faire technique et agronomie
Le métier de fontainier est complexe. Il exige d’être complet au niveau des connaissances. Il ne suffit pas de savoir réparer un arroseur. Il faut aussi comprendre la plante et ses besoins en eau. En outre, il faut savoir concilier savoir-faire technique et connaissances agronomiques. C’est d’ailleurs tout ce qui passionne Clément Alberca : « Ma partie préférée du métier concerne l’agronomie : la santé de la plante, comment elle se développe, comment je dois l’arroser, comment je peux la faire tirer pour développer ses racines… »
Rigueur, minutie, patience, calme, adaptabilité, aptitudes sur les outils d’aide à la décision et les logiciels, connaissances mécaniques et électroniques ; les qualités exigées pour être un bon fontainier sont nombreuses. Pourtant, l’une d’entre elles ressort chez nos trois professionnels : le sens de l’observation. « Nous avons beaucoup de technologies, mais nos yeux et la nature nous donnent beaucoup d’informations », explique Joshua Aparicio.

« Ce poste demande des connaissances, de la patience, du savoir-faire et une grande flexibilité au niveau des horaires. Parfois, le gazon ne peut malheureusement pas attendre une nuit de plus sans eau. Pour l’anecdote, une panne d’arrosage en plein été nous a obligés à prolonger notre journée de travail jusqu’à ce que nous trouvions la panne… à la frontale, à 21h30. Cela nous est arrivé l’été dernier, et c’est dans ces moments-là que l’on se rend compte de la détermination et de la pugnacité nécessaires pour exercer ce métier », renchérit Stephen Leoty, intendant du parcours du Golf Club d’Aix-les-Bains.
Les outils indispensables du fontainier :
- Une sonde d’humidité portative (TDR ou POGO) pour contrôler les taux d’humidité des greens
- Une pelle pour creuser en cas de défaillance du réseau
- Un tournevis pour faire sortir les arroseurs et les réparer
Une reconnaissance tardive, une évolution fulgurante
Peu connu, ce métier de l’ombre a toutefois été mis en lumière par la sécheresse historique qui a traversé la France durant l’été 2022. Une situation qui a fortement impacté les golfs, contraints de réduire drastiquement leur consommation d’eau. Certains golfs se sont heurtés à des interdictions totales d’arroser, d’autres ont pu maintenir en vie leurs greens. Mais cette « claque » a rappelé à tout le monde l’importance de l’eau et sa bonne gestion, et donc le rôle crucial joué par les fontainiers. Une reconnaissance tardive et un regard sur le métier qui a changé. « On se tourne un peu plus vers nous maintenant. Le fontainier a toujours été considéré comme la troisième roue du carrosse : on estimait que n’importe qui pouvait prendre la main sur l’ordinateur et jeter de l’eau sur le parcours pour faire du vert », constate Clément Alberca.
Avec désormais six années d’expérience en tant que fontainier, il a vu le métier évoluer à une vitesse fulgurante. Avant, il n’était pas rare de voir des golfs travailler sans station météo et arroser au « doigt mouillé ». « Les choses se sont durcies, nous nous sommes rendu compte que nous faisions un peu n’importe quoi. Et qu’en arrosant moins le gazon tombait moins malade. Aujourd’hui les choses ont changé, le métier est devenu bien plus technique. »
Son homologue d’Aix-les-Bains le rejoint, le métier est devenu plus technique, et les outils utilisés plus performants. « Le secteur œuvre pour s’adapter à la politique environnementale actuelle en proposant des outils de pointe comme des OAD, des stations météo performantes, des sondes d’humidité et autres humidimètres. Sans oublier la partie mécanique, avec les pompes immergées ou de surface, les raccords et autres éléments nécessaires à l’installation et à la confection d’un réseau minimisant les pertes en eau », liste-t-il.
Avant d’ajouter : « La gestion de l’eau est un sujet à ne pas prendre à la légère, et il faut bien souvent se remettre en question. Les métiers du golf évoluent sans cesse et la technologie grandissante renforce les connaissances des professionnels sur le terrain. L’avenir nous le dira, mais je reste convaincu qu’il y a de belles choses à accomplir sur nos parcours et, de manière générale, que le métier de fontainier est l’une des clés de cette réussite », estime Axel Maucoronel.

Quand chaque goutte compte…
A l’arrivée de l’été, l’incertitude plane sur les golfs. La sécheresse de 2022 a laissé croire que les étés suivants seraient aussi durs. Pourtant, 2023 et 2024 se sont montrées plus clémentes – même si certaines régions ont connu des étés 2023 et 2024 difficiles aussi). Sécheresse ou non, l’été, ce sont les fontainiers en première ligne, dans un contexte où l’eau est une ressource sous surveillance, chaque goutte compte. « Les sécheresses sont à la fois redoutées et très formatrices pour les fontainiers et les intendants. Le métier a encore évolué ces dernières années face aux épisodes de sécheresse successifs, soulignant à quel point ce poste est crucial », résume Stephen Leoty.
« L’été, il faut être prêt à se sacrifier », poursuit Clément Alberca. Autrement dit, ne pas compter ses heures et rester aux aguets en permanence. Si le reste de l’année, ils peuvent être amenés à aider l’équipe terrain, en été, le rythme est différent. « Lors des périodes de sécheresse, l’attention portée aux greens est décuplée, la surveillance des taux d’humidité est renforcée », ajoute Joshua. Au Golf de Saint-Apollinaire, situé à la frontière suisse près de Bâle, la gestion de la sécheresse est le grand défi de l’été. Idem au Golf de Valescure, à Saint-Raphaël : la proximité de la mer, l’exposition au vent et les températures élevées rendent la gestion de l’eau difficile. « Le gros défi est de tenir les zones de jeu l’été en utilisant le moins d’eau possible. Il faut parfois sacrifier l’esthétique pour assurer des zones de jeu de qualité, nous ne pouvons pas tout arroser », indique le fontainier.
Et parce qu’ils ne peuvent pas tout arroser, les fontainiers font ce qu’on appelle du « bassinage » sur les zones les plus asséchées des greens. Les rondes matinales avec la sonde d’humidité portative permettent de les repérer. Afin d’éviter les maladies dues à un excès d’humidité combiné aux températures élevées l’été, le fontainier effectue des syringes sur les greens.
Syringe et bassinage à ne pas confondre
Syringe : légère application d’une fine couche d’eau sur une surface de gazon afin de la rafraichir temporairement et de limiter le stress thermique.
Bassiner : Arroser manuellement et par à-point les zones sèches d’un green pour préserver l’humidité du sol et favoriser l’enracinement en poussant les racines à aller chercher en profondeur.
Le bassinage vise à réhydrater en profondeur certaines zones sèches du sol en apportant la bonne dose au bon endroit tandis que la syringe est un rafraichissement temporaire de la plante.
Pour faire face aux conditions climatiques et aux restrictions d’eau, les fontainiers peuvent compter sur divers leviers pour tendre vers une gestion durable de l’eau. Encore une fois, la sécheresse de 2022 a invité toute la filière à se remettre en question et à songer plus sérieusement à de nouvelles pratiques qui existaient déjà. Parmi ces leviers, nous pouvons citer les agents mouillants, l’inversion de flore ou la réutilisation des eaux usées traitées (REUT). Les agents mouillants permettent à chaque goutte d’eau d’être mieux absorbée et retenue par le sol. A Valescure, Clément Alberca en applique toutes les trois semaines. L’inversion de flore est un levier variétal qui consiste à installer des variétés de graminées plus résistantes aux conditions estivales intenses et moins gourmandes en eau. Enfin, la REUT se développe de plus en plus. Bien qu’elle ne soit pas accessible à tous en raison de la proximité des stations d’épuration, elle reste un procédé vertueux qui s’inscrit dans une démarche plus respectueuse de l’environnement.
Avec ces leviers à disposition, les fontainiers ne sont plus seulement de simples gestionnaires de l’eau mais de véritables acteurs de la transition écologique des golfs.