Franck Jaeger, Responsable technique des terrains de la ville de Chartres : « Groundsman, c’est un vrai métier »
Publié le 2 novembre 2017 à 06h30
Catégorie : Pratiques
Évoluant aux portes du haut niveau – CFA en football, Fédérale 2 en Rugby – Franck Jaeger revendique la spécificité du métier d’intendant, qui en France ne jouit pas encore du même statut qu’en Angleterre…
Combien de terrains avez-vous sous votre responsabilité ?
La ville de Chartes dispose de quinze terrains en herbe, dont trois terrains d’honneur : le Stade Jacques-Couvret (qui accueille les rencontres à domicile du FC Chartres, qui évolue en National 2), le stade Claude-Panier (réservé au Rugby Chartres Métropole, évoluant en Fédérale 2) et le stade Jean Gallet (dévolu à la réserve du FC Chartres). Trois terrains synthétiques permettent de ménager les terrains engazonnés pour certains entraînements. Tous les matches sont joués sur les terrains d’honneur.
Sur quel(s) type(s) de substrat poussent les différents gazons ?
À Chartres, les substrats sont en terre naturelle argileuse, amendée avec sable « lavé-roulé ». Un amendement sableux régulier permet de rendre les substrats friables et donc plus perméables, sans porter atteinte à l’équilibre nutritif et la vie organique du sol.
Votre équipe se compose de combien de jardiniers ?
En intendants purs, j’ai huit équivalents temps sous ma responsabilité pour l’entretien des quinze terrains. Mes agents ont des tâches qui vont au-delà de l’entretien des gazons ; il s’occupent en prime de l’entretien des vestiaires, de l’accueil du public, ainsi que de tout ce qui concerne l’environnement des sportifs (relations avec les joueurs, réception des équipes adverses…)
Quinze terrains, ce n’est pas trop à gérer à la fois ?
Non ce n’est pas trop. Pour au moins quatre terrains, je délègue aux agents qui savent ce qu’ils ont à faire, sans que j’aie à intervenir.
Quelle serait la journée type de vos intendants sur un terrain d’honneur ?
En cours de saison, un lendemain de match, la journée débute à huit heures par le ménage au niveau des vestiaires, des douches, l’aération des locaux… Puis l’agent fait le tour du site pour nettoyer les abords des terrains (ramassage des détritus, des bouteilles d’eau vides…).
Les trois terrains d’élite sont également tondus tôt le matin, après avoir été passés « au cordeau », pour faire tomber la rosée au niveau du collet de la plante. De sorte que les brins puissent assimiler toute cette eau par la racine, plutôt que de la laisser s’évaporer. Cette réserve d’eau peut équivaloir à plusieurs dizaines de litres.
Après la première tonte, les agents retirent les mauvaises herbes au couteau pendant une heure-une heure et demi, vérifient l’ensemble des arroseurs, prennent les mesures du terrain pour préparer les repères en amont des matches…
Le travail mécanique obéit à un planning que j’ai défini au préalable. Là par exemple, nous avons abordé depuis le mois de mai le travail mécanique intense – avec l’aérateur à couteaux – afin d’obtenir un beau plateau de tallage. Le raygrass étant une espèce vivace, plus on le tond, plus il se démultiplie et fait de brins. L’aération au couteau favorise également le développement racinaire dans le premier horizon (jusqu’à 7cm de profondeur). Lorsque le gazon aura arrêté de lever (par 5°C extérieur environ), nous effectuerons uniquement des tontes.
De quel type de matériel disposez-vous en propre ?
Pour 2017, la Direction des sports [de la ville de Chartres] a fait des arbitrages généreux en notre faveur : nous avons ainsi remplacé un camion-benne (3,5 T) ainsi qu’un fourgon. Et nous venons d’être livrés d’un tracteur de 70 chevaux, avec cabine climatisée, qui servira à utiliser le décompacteur. Le tracteur est doté d’un godet grappin, pour charger nos sacs d’engrais, apporter de la terre… Nous sommes désormais autonomes pour des opérations de moyenne envergure, notamment le rattrapage de flaches, sur des surfaces allant jusqu’ à une soixantaine de mètres-carrés.
Vous disposez également d’un regarnisseur à disques, une machine qui a la cote en ce moment…
En effet, nous en avons fait l’acquisition l’an dernier, elle a servi pour la première fois en juin dernier, ainsi qu’ en octobre. Et en effet, c’est une machine extraordinaire ! Les entrainements peuvent se tenir le lendemain de son utilisation sans problème, les joueurs ne se rendent même pas compte qu’un regarnissage a été effectué. La seule contrindication, c’est d’utiliser la machine sur terrain vierge : il faut un tapis végétal pour ne pas endommager les disques.
Vous décrivez le métier de jardinier de terrains de sport comme un « monde à part », une niche : qu’entendez-vous par là ?
C’est une évidence, on ne peut pas définir autrement le métier d’intendant de terrains de sport. Notre travail n’est pas de tailler des haies. « Groundsman », c’est un vrai métier. D’ailleurs, en France, des formations idoines commencent à émerger (notamment des BTS). Même si elles portent pour la plupart, sur la création de terrains de sport et non sur l’entretien, et ont un socle plus orienté « travaux publics » qu’ « espaces verts ». Leurs enseignements sont moins poussés dès qu’il s’agit de considérer le deuxième horizon des gazons (où sont stockés les éléments nutritifs).
On en revient toujours à cette comparaison, mais en Angleterre – notamment à Arsenal – le club dispose d’un groundsmanmanager qui a été stagiaire du centre de formation ; comme il n’avait pas le niveau pour être footballeur professionnel, et au vu de son profil, une formation en interne lui a été proposée . Cela montre bien que ceux qui veulent de beaux terrains s’intéressent de près à ce métier. S’il est quelque peu négligé en France, c’est totalement l’inverse en Angleterre et le jardinier en chef fait partie intégrante du staff du club…