[Débat d'idées] Frederic Perraudin, greenkeeper du Golf du Château d’Avoise : "Il faut que la mentalité des golfeurs change…"
Publié le 9 août 2019 à 07h22
Catégorie : Paroles d’experts
Cette semaine, c’est au tour de Frederic Perraudin, greenkeeper du Golf du Château d’Avoise de répondre à notre série de tribunes « 0% phyto, 100% mytho? ».
Alexandre Touget, Directeur du Golf du Château d’Avoise – Montchanin
Cela fait trois ans maintenant que je suis directeur du golf mais j’y travaille depuis très jeune puisque ce golf appartient à ma famille. Chaque été, j’ai travaillé sur l’entretien du parcours avec l’équipe dédiée et en plus, je joue au golf depuis longtemps. Cela me permet d’être plus sensible à l’importance de l’entretien et d’avoir un meilleur recul sur comment se déroulent les opérations mécaniques. Cela me permet également de mieux comprendre les requêtes des greenkeepers et de prendre des décisions justes. Si un apprenti me dit qu’il a mis 6 heures pour tondre un green, je sais qu’il me ment. De ce fait, je peux mieux optimiser le travail d’entretien du parcours en sachant combien de personnes il me faut tout au long de l’année en fonction des différentes saisons…
Frederic Perraudin, greenkeeper du Golf du Château d’Avoise – Montchanin
Je suis arrivé au Golf du Château d’Avoise lors de sa construction en 1988 et depuis je ne suis jamais parti.
De combien de personnes se compose l’équipe d’entretien du parcours ?
Il y a six jardiniers dont deux apprentis et un mi-temps. Il y a également six apprentis du CFPPA de Roanne Chervé – (qui a ouvert cette année une formation de CS Jardinier de golf et entretien de sols sportifs engazonnés) – qui viennent nous aider pour une seule journée.
Quelles opérations mécaniques avez-vous effectué récemment ?
Notre travail mécanique s’effectue surtout en début de semaine, le lundi et le mardi (virgule) car nous avons moins de golfeurs sur cette période : une aération et un regarnissage des fairways et des greens à cause de la sécheresse due à la canicule de l’an passé. Les fairways ont souffert, nous avons été obligés d’arroser, puis nous avons donc ressemé. Tout est bien reparti mais ce protocole va très probablement être répété l’année prochaine avec la grosse canicule que nous sommes en train de subir.
Nous faisons également beaucoup plus de top dressing pour assécher les greens afin qu’ils soient moins au contact de l’humidité. Cela permet de dresser le brin et de faire des tontes basses. La roule de la balle est nettement améliorée. Nous avons passé les spykes et effectué un regarnissage au niveau des greens. Nous n’avons pas fait de carottage cette année grâce à nos top dressing et à nos cinq scarifications, nous prévoyons peut-être cela pour septembre.
Quel est votre plan de fertilisation ?
Nous décidons de cela en début d’année en fonction du budget. Nous faisons moitié granulés et moitié liquide (sur la période juillet-août). Nous ajoutons de petites doses régulières d’engrais et de bactéries qui permettent de bien développer les racines de la plante, de façon à ce qu’elles aillent chercher plus loin dans le sol. Nous faisons des perforations quatre fois par an.
Quel substrat est utilisé ?
Il s’agit de terre agricole pour les fairways et de sable et de tourbe pour les greens. Nous avons également un putting green sur un substrat terre. Ce dernier est moins sensible aux maladies mais par contre on voit de nombreuses différences concernant l’humidité et la roule de balle, ce n’est pas comparable aux autres.
Avez-vous été attaqué par des maladies ?
Il y a le dollar spot que nous surveillons et que nous arrivons à gérer. Nous avons également réussi à maintenir la fusariose avec l’utilisation de fer. Nous utilisons de moins en moins de produits phytosanitaires. Nous essayons différents procédés que nous mettons en place petit à petit (virgule) comme par exemple des produits biologiques à base de bactéries, des procédés par roulement, etc. C’est du travail de longue haleine qui sera très efficace d’ici à quelques années quand nous le maîtriserons parfaitement.
Ressentez-vous le réchauffement climatique ?
Je ne sais pas si cela est dû au réchauffement climatique mais nous avons beaucoup de vent comparé à 10 ans en arrière et nous n’avons plus vraiment de gros hiver.
Le « Zero phyto », mythe ou réalité ?
C’est une réalité mais comme je le disais, il faut que les mentalités changent et que l’on s’habitue à voir des petites attaques de maladies et d’autres plantes sur le gazon. De toute façon, avec la suppression de certains produits, nous y allons petit à petit…
Le métier de greenkeeper a-t-il changé avec les restrictions sur l’utilisation des produits phytos ?
Nous faisons plus de travail mécanique comme par exemple des regarnissages pour compenser les hivers moins rudes. Je pense que le problème vient des mentalités. Il faut que la mentalité des golfeurs change et qu’ils acceptent de voir des maladies ou par exemple des pâquerettes sur le parcours.
À l’époque, nous avions un produit qui correspondait pour telle ou telle chose, nous ne nous posions aucune question. Maintenant, il faut anticiper, il faut être réactif et préventif car les maladies reviennent au même endroit et à la même période. Cette année, il a fait plus chaud et les maladies se développent plus rapidement. Nous arrivons à reconnaître les conditions atmosphériques qui sont favorables au développement de chaque maladie. Dès que ces conditions sont réunies, nous savons que les maladies vont revenir. Les écarts de températures font que la maladie se développe plus rapidement. Ce qui est difficile c’est qu’à force de les traiter, les champignons mutent et deviennent plus coriaces. Avant nous avions un large panel de matières actives et maintenant nous n’en avons plus que deux ou trois, c’est compliqué…
Comment gérez-vous l’arrosage du parcours ?
L’eau provient des étangs. Nous avons pour projet de réaliser un nouvel étang pour préparer les périodes de canicule. Cette année, nous avons été obligés de louer des pompes et nous avons eu beaucoup de pertes d’eau. Nous possédons un système d’arrosage centralisé avec une ligne centrale sur chaque fairway mais pas de double ligne. Sur les greens, nous avons placé 5-6 arroseurs tout autour. Mais nous prévoyons un jour de faire une révision de tout l’arrosage.
Les greenkeepers sont-ils confrontés à une pression de la part de différents acteurs (facteurs naturels, joueurs, etc.) ?
Nous effectuons un métier dont le principal ennemi n’est pas maîtrisable : les conditions météorologiques. Nous sommes sans cesse en stress car nous ne savons jamais quel temps il va réellement faire. Vous pouvez faire votre travail de la meilleure des manières qui soit mais, par exemple, en une nuit, tout peut être détruit à cause d’un coup de chaleur, de froid ou d’un orage. L’année dernière, lors d’une compétition, un conduit d’arrosage a explosé pendant la nuit. Nous sommes revenus le lendemain matin, le green s’était complètement effondré, il y avait de l’eau partout… Il faut penser à tout, tout le temps, mais nous ne pouvons rien faire face à l’imprévu… C’est ce qui est le plus stressant !
redactioneprofield.com (Lucas Sanseverino)
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