Golf National : L’expérience JO, hors du temps pour les greenkeepers français (1/2)

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Lors des Jeux Olympiques Paris 2024, de nombreux greenkeepers français volontaires ont participé à l’entretien du parcours de l’Albatros au Golf National. Une expérience hors du temps, qui ne se reproduira peut-être plus jamais, mais qui est extrêmement formatrice.

Pendant presque 10 jours, la planète golf s’est arrêtée de tourner et avait les yeux rivés sur le Golf National de Saint-Quentin en Yvelines. Son parcours de l’Albatros, à l’occasion des Jeux Olympiques Paris 2024, a rassemblé ce qu’il se fait de mieux en termes de golfeurs et de golfeuses. Pour accueillir ce joli monde, la seule équipe du Golf National n’aurait pas suffi. Ainsi de nombreux greenkeepers volontaires, dont de nombreux Français, ont participé à l’entretien du parcours aux côtés de l’équipe permanente du Golf National. Une expérience inoubliable, que personne n’est près d’oublier.

Les grands tournois sont des opportunités rares de pouvoir tutoyer le très haut niveau du greenkeeping. C’est ce que vous diront tous les intendants ou greenkeepers qui ont connu les joies de préparer un parcours de golf pour une grande compétition, de le sublimer. Bien sûr, le Golf National est habitué à ce genre d’événement et donc à accueillir de nombreux greenkeepers français venus aider et par la même occasion se former. Il y a bien sûr l’Open de France, chaque année. Il y a eu la Ryder Cup en 2018, le WATC en 2022. Mais ces Jeux Olympiques avaient tout de même un parfum bien particulier. Eva Largeau et Hugo Senlis, les responsables du parcours durant la compétition, ainsi que Romain Le Chêne et Louis Carol, volontaires, ne diront pas le contraire. Cette expérience exceptionnelle, les étudiant intendants de Dunkerque ont pu également en profiter et se former à cet exercice hors norme sous la supervision d’Olivier Grelin, responsable du groupe et très investi sur cette formation depuis plus de 25 ans.

 

Préparer un parcours olympique : une expérience unique

Il fallait en faire partie. « Je ne suis pas près de revoir les Jeux Olympiques en France », s’amuse Louis Carol, intendant du Golf de Falgos et volontaire au Golf National lors des Jeux Olympiques. Et il est vrai qu’il y a très peu de chance que la France accueille prochainement la compétition olympique. Cette rareté de l’événement l’a rendu encore plus immanquable.

Au total, 90 professionnels ont préparé le parcours de l’Albatros. Une véritable armada, accompagnée par un parc matériel impressionnant, et presque 100 % électrique. Il fallait bien cela pour préparer au mieux une compétition qui s’impose au fil des olympiades comme une date majeure du circuit golfique mondial. Et cette édition 2024 a peut-être marqué un tournant tant elle fut une réussite. « Je pense toujours que la Ryder Cup est le plus beau tournoi que nous ayons dans notre jeu, et je pense que [le tournoi olympique] a le potentiel de figurer à ses côtés sur ce plan », confiait ainsi Rory McIlroy, star du golf mondial, dans The Guardian.

Cette réussite, elle est en partie due aux équipes qui ont préparé le parcours et qui ont vécu, durant près de deux semaines, une aventure humaine intense et formatrice, pilotée d’une main de maitre par Lucas Pierré, superintendant du Golf National, et les deux responsables du d’équipe de l’Albatros, Eva Largeau et Hugo Senlis.

Eva Largeau (à gauche), Hugo Senlis (au centre), les responsables du parcours l’Albatros, et Lucas Pierré (à droite), le superintendant du Golf National, ont managé une équipe de plus de 90 jardiniers sur le parcours de l'Albatros.
Eva Largeau (à gauche), Hugo Senlis (au centre), les responsables du parcours l’Albatros, et Lucas Pierré (à droite), le superintendant du Golf National, ont managé une équipe de plus de 90 jardiniers sur le parcours de l’Albatros.

 

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Cohésion et management : clés de la réussite

Dans cette aventure qui réunit autant d’individus d’horizons différents pendant deux semaines, un bon management est nécessaire. C’était là l’une des principales missions d’Eva Largeau et Hugo Senlis, chefs d’équipe et responsables du parcours de l’Albatros. « Avoir une aussi grande équipe n’est pas facile ! Il faut d’abord essayer de connaître tout le monde assez rapidement, et switcher entre l’anglais et le français en permanence. Faire en sorte que tout le monde apprenne sa tâche rapidement et ne se perde pas sûr le parcours, que les consignes soient respectées. Il faut être aussi à l’écoute de tout le monde, répondre aux questions, faire en sorte que les volontaires se sentent bien », reconnait Eva Largeau, pour qui il s’agissait du premier gros tournoi en tant que responsable.

L’une des priorités est de faire prendre conscience à tous les volontaires qu’ils jouent un rôle important dans la réussite de l’événement. A la manière de capitaines, il fallait aux deux chefs d’équipe emmener toute l’équipe avec eux vers un objectif commun : répondre aux exigences d’une telle compétition et livrer le parcours le plus parfait possible. La mission est réussie tant chaque membre de l’équipe s’est senti concerné. Car il aurait été facile, dans une si grande équipe, de se sentir comme un grain de sable dans le désert. « Bien au contraire, les chefs d’équipes et l’ensemble du golf national voulaient tellement que la qualité du parcours soit à l’image de l’événement que nous étions autant l’un que l’autre dans une dynamique extraordinaire afin de réaliser le travail du mieux que l’on pouvait. Cela a été possible grâce à la motivation transmise par chaque responsable du Golf National », affirme Louis Carol, intendant du Golf de Falgos et volontaire.

Il est aussi important de créer du lien entre les volontaires, malgré la barrière de la langue, afin d’avoir une équipe soudée. Pour cela, les temps de partage sont importants. Ils ont principalement lieu en dehors des heures de travail. « La cohésion du groupe et le savoir-faire de chacun a permis d’atteindre le niveau d’exigence nécessaire. Tout le monde avait un rôle important puisque chaque détail comptait », explique l’intendant de Rennes Saint-Jacques, Romain Le Chêne. Et c’est justement parce que chacun a joué un rôle primordial dans la réussite de l’événement et la qualité du parcours qu’Hugo Senlis n’a pas manqué de rendre hommage aux volontaires. « Ils nous ont apporté une aide précieuse. Nous les remercions pour leur implication car sans eux rien n’aurait été possible. Nous remercions aussi les clubs qui ont bien voulu nous laisser leurs meilleurs éléments pendant 2 semaines. Ils sont tantôt intendant de gros parcours à l’autre bout du monde ou bien apprenti dans le golf voisin mais tous logés à la même enseigne et tous motivé à atteindre leurs objectifs », précise-t-il.

 

Un directeur très impliqué

Le directeur du Golf National, Philippe Pilato, s’est montré particulièrement impliqué auprès de l’équipe terrain. Il a œuvré quotidiennement pour soutenir l’équipe en préparant lui-même les brunchs et en veillant à leur qualité. Il a aussi tenu à participer en personne à l’entretien du parcours, en soutien de ses équipes et des nombreux volontaires.

 

Faire preuve d’organisation et d’adaptabilité

Contrairement à l’Open de France ou à la Ryder Cup, les épreuves de golf aux Jeux Olympiques durent plus longtemps. « C’était une bonne expérience ce n’est pas souvent que l’on fait des tournois sur deux semaines (quasiment trois si on compte les journées d’entrainement). C’était intense, fatiguant, enrichissant », reconnait Eva Largeau. La longueur de la compétition a nécessité de bien gérer les plannings de chacun pour maintenir chaque volontaire motivé et concerné. « Nous avons essayé de faire en sorte que les gars ne fassent pas tout le temps la même chose car deux semaines c’est long. Mais une fois que l’on apprend une tâche spécifique à quelqu’un, il est difficile de le changer de poste, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre le temps d’apprendre à tout le monde et de changer à chaque fois, c’est la difficulté dans ce genre de tournoi », ajoute-t-elle.

La première semaine a sans doute été la plus compliquée à gérer au regard de la météo. En effet, de fortes pluies ont perturbé les débuts de la compétition. Il a donc fallu s’adapter afin d’amener les greens à la fermeté et à la vitesse requise pour les hommes malgré une météo pluvieuse. « Il fallait également que nous fassions les plannings en fonction des décisions des agronomes. Donc nous avons eu des réunions tous les jours avec eux ainsi que Lucas Pierré pour décider de ce que nous avions à faire. Le soir pour le matin et après le set up nous refaisions un planning pour les tâches du soir, qui sont différentes du matin, avec plus de détails à faire sur le parcours », ajoute Eva Largeau.

La deuxième semaine, consacrée à l’épreuve féminine, a nécessité quelques ajustements également, sous une météo beaucoup plus clémente. « Pour l’épreuve féminine, il fallait préserver une constante et légère souplesse des greens toute la journée et tous les jours », précise Hugo Senlis. « Il a fallu faire quelques modifications notamment sur la hauteur des roughs », complète Eva Largeau.

 

Les femmes sous-représentées

« Nous étions 3 femmes, je trouve que ce n’est pas beaucoup mais mieux que rien. J’aurais aimé que l’on soit plus mais dans ce milieu on n’est pas beaucoup. Déjà que ce métier est peu connu en règle générale, et quand il est connu il l’est en tant que « métier d’homme ». Mais je pense que quand on aime ce que l’on fait, on réussit dans ce monde et on peut montrer en quelque sorte que les femmes sont capables d’avoir leur place. »

 

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Un puit d’enseignements pour les élèves de Dunkerque…

Olivier Grelin, référent prédagogique de la formation Intendant au CFPPA UFA de Dunkerque, a compris très tôt, en 2006, tout le bénéfice pour ses étudiants de les immerger en situation de travail dans des tournois majeurs. « Nous venions de participer à la Ryder Cup en 2018 et j’ai immédiatement pensé à participer aux JO de Paris en 2024 », lance-t-il. Dès 2022, il a porté ce projet et l’a concrétisé en accompagnant ses 16 étudiants venus prêter mains fortes au Golf National. L’occasion pour la promotion 2022-2024 de rencontrer les (nombreux) anciens élèves de Dunkerque, également présents pour l’événement.

36, c'est le nombre de professionnels présents aux JO dans l'équipe terrain formés ou en formation à Dunkerque. C'est plus d'un tiers de l'équipe totale.
36, c’est le nombre de professionnels présents aux JO dans l’équipe terrain formés ou en formation à Dunkerque. C’est plus d’un tiers de l’équipe totale.

Le constat d’Olivier Grelin est très positif : cette expérience « hors du temps et de la norme d’une compétition habituellement organisée en France » a été riche d’enseignements pour ses élèves, et pour lui aussi. « La précédente compétition qui soutiendrait la comparaison, c’est la Ryder Cup. Mais le format est très différent. Nous avions passé deux semaines à préparer le terrain pour 3 jours de compétition. Là, nous étions sur quasi 10 jours de compétition d’affilé avec les hommes et ensuite les femmes… Il faut tenir le rythme. C’est la première différence que les élèves ont ressentie… Les horaires décalés et qui changent régulièrement…C’est dur pour les organismes », confie Olivier Grelin.

Il était notamment très intéressant pour les élèves intendants d’appréhender comment gérer une équipe aussi nombreuse, avec autant de tâches attitrées à chacun. « Les élèves ont pu constater que la gestion d’un groupe aussi important n’est pas une mince affaire et ne souffre d’aucune approximation. Dans ce cas, la gestion au talent n’a pas cours, la planification des taches et des matériels est impérative pour que le set-up du matin se termine dans les temps avec l’ensemble des tâches définies réalisées comme prévu », ajoute-t-il.

« Je me suis habitué au haut-niveau de détail exigé pour une telle compétition mais il a vraiment interpellé mes étudiants. Ce qui bien sur impressionne c’est le nombre de tonte et de roulage par jour et la précision nécessaire lorsque l’on ne voit plus rien… Pas une ligne sur le green pour vous guider en back to back ! Hors norme c’est aussi le degré d’exigence exigé… Tout compte dans les moindres détails comme faucher dans les hauts roughs des inflorescences séchées ou disgracieuses. C’est ce qui me plait et que je veux partager avec les étudiants pour les rendre meilleurs et capables d’appréhender toutes les facettes de leur futur métier », précise-t-il.

 

…et pour tous les membres de l’équipe

Jeunes, moins jeunes, Français, étrangers, volontaires ou membres permanents du Golf National, tous ont appris des uns et des autres durant cette aventure et repartent chacun dans leur golf avec des connaissances en plus. « Le partage et la curiosité sont la source pour progresser, nous sommes très heureux de pouvoir partager cette expérience avec un maximum de passionnés, c’est une expérience très « formatrice » pour tous. Si les jardiniers peuvent faire des rencontres qui changent leur carrière tant mieux. C’est aussi un bon moyen de se faire un réseau et de donner envie à certain de nous rejoindre », explique Hugo Senlis.

Si presque tous les volontaires connaissaient déjà le parcours de l’Albatros (il fallait avoir travaillé au Golf National durant une compétition pour être retenu pour l’événement), jamais ils ne l’avaient vu d’une telle qualité. « Je connaissais déjà l’Albatros en configuration tournoi mais je ne pensais pas que l’état du parcours serait à un tel niveau qualitatif. Nous en prenions encore plus conscience lorsque nous étions sur place », reconnait Louis Carol. « La qualité des fairways et la densité des roughs étaient vraiment impressionnantes ! », souligne Romain Le Chêne.

Chacun repart désormais dans son golf respectif avec la volonté de tirer le meilleur de son parcours, avec des moyens toutefois bien différents. « Cette expérience m’a appris à préparer un parcours pour les grandes compétitions avec un matériel élite. Nous n’avons pas les moyens techniques et humains pour reproduire des choses comme ça. Mais il y a des détails qui pourront être reproduits sur nos golfs. Ça donne de la motivation de tendre vers l’excellence, de préparer des compétitions », indique Romain Le Chêne. Même son de cloche pour Louis Carol : « Elle sera bénéfique pour mon golf et j’en suis certain, car la motivation et l’envie d’être parfait dans tout ce que l’on réalise sur le site nous rend encore plus consciencieux du travail fantastique que nous réalisons dans des tournois de cette envergure mais aussi dans chaque compétition qui ont lieu chez nous, dans nos golfs respectifs. J’ai passé 17 jours où j’ai réalisé une expérience personnelle et professionnelle sensationnelle. »

Les deux responsables du parcours se souviendront eux aussi pendant très longtemps de cette expérience olympique, à domicile. Après avoir digéré un retour à la normale et au silence, il faut désormais mettre le cap sur le prochain grand rendez-vous : l’Open de France. Avant une longue fermeture de l’Albatros en raison des travaux du Grand Paris. Le parcours de l’Aigle restera quant à lui ouvert.

 

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Corentin RICHARD

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