La Gazonnière de la Loire en pleine expansion
Publié le 15 décembre 2022 à 07h00
Catégorie : Pratiques
Il y a 2 ans, GSPH24 apprenait la naissance de la Gazonnière de la Loire. Yann Haeflinger se remémore des débuts de l’entreprise et fait le point après deux années de culture de graminées.
Bonjour Yann, pouvez vous nous raconter la naissance de la Gazonnière de la Loire et expliquer ce qui vous a motivé à passer à la culture de gazon ?
A la base, l’entreprise agricole a été fondée par 3 frères, dont mon père. Ils m’avaient demandé, à l’issue de ma formation (Bac STAV, Double licence économie et gestion, Master en commerce international), d’apporter quelque chose de nouveau à l’entreprise. J’ai eu l’idée et l’envie de faire du gazon de placage. Nous avons commencé cette nouvelle activité en 2018, sur 4 ha, à Réguisheim en Alsace, sous le nom « Les Gazons de la Hardt ». A l’heure actuelle, nous travaillons deux zones de production : une première de 50 hectares en Alsace et une seconde de même surface récemment semée fin 2021 et située sur la commune de Saint-Hilaire-Fontaine dans la Nièvre (sous le nom « Gazonnière de la Loire »).
La production de gazon s’exportant dans le Centre-France, le savoir-faire, l’outillage et le personnel ont également dû être dupliqués sur ce nouveau territoire. Pour ce ffaire, le semis du gazon a été réalisé en deux temps, permettant aux nouvelles personnes découvrant la culture d’acquérir progressivement les bases nécessaires à la bonne conduite du gazon. Les premières graines ont ainsi été semées sur une surface de 2 hectares, puis sur 45 hectares l’année suivante. Cette dernière surface sera prête à être récoltée d’ici le début de l’année 2023.
Comment se passe la culture de gazon ?
La culture de gazon ne s’improvise pas. Il faut suivre méthodiquement plusieurs étapes indispensables à la bonne croissance de la plante pour assurer une bonne récolte. Au préalable, nous nivelons la surface des parcelles en faisant appel à des prestataires équipés de niveleuses. L’objectif est d’aplanir au maximum le sol pour lisser tous les défauts et les bosses. Le but est de pouvoir déplaquer un rouleau de gazon sans défaillances et le plus homogène possible. Suite à un travail du sol en profondeur, puis une opération d’affinage de la terre, nous procédons au semis de graine de gazon.
Sur le territoire de la gazonnière en Centre-France, nous sommes sur des substrats de culture composés à 80 % de sable grossier de granulométrie 0-2 mm et nous utilisons deux mélanges venant du semencier Barenbrug. Le premier composé à 50 % Ray-grass anglais RPR et 50 % pâturin des prés (déstiné à un usage sportif), le second composé à 50 % Ray-grass anglais, 35 % de pâturin des prés et 15 % de fétuque rouge demi-traçante. Nos deux mélanges sont classés respectivement à 6,72 et 6,69 sur 10 sur l’index Sport du GEVES (classement attribué par le Groupe d’Etude et de contrôle des Variétés et des Semences). Nous n’utilisons que des lots de semences possédant des qualités de triage en double 0, c’est-à-dire des semences présentant un taux de pureté très élevé.
Une fois le gazon semé, la croissance de la plante s’étale sur un an et demi. Nous effectuons entre 80 et 100 tontes (hauteur finale de tonte de 35 mm) avant la récolte et la vente. A cet effet, nous utilisons une tondeuse rotative adaptée de marque Wessex.
Nous travaillons avec des pivots agricoles et arrosons maximum une à deux fois par semaine en période de grosse chaleur. Notre capacité d’arrosage est de 25 mm par jour sur l’entièreté de la surface. Nous utilisons aussi des sondes d’humidité Platform Garden qui nous permettent de suivre l’évolution de l’humidité de nos terrains. En tant que producteur de gazon, la gestion de l’eau est un sujet qui nous tient à cœur et qui se doit d’être maitrisé de manière scientifique et rigoureuse.
Au bout d’un an et demi de croissance, le gazon est déplaqué. Nous utilisons une déplaqueuse qui découpe le gazon à l’aide d’un couteau vibrant et le conditionne en petits rouleaux d’une surface totale d’1 m². L’acquisition future d’une machine plus innovante et performante permettra de proposer des rouleaux plus grands, à savoir une surface totale de 25m² par rouleau.
A qui vendez-vous votre gazon ?
Nos clients pour le gazon en rouleaux sont de nature très diversifiée. Nous vendons aux particuliers en direct, aux paysagistes, aux collectivités territoriales, à des entreprises d’entretien sportifs, des stades de football, des golfs et des distributeurs de gazon. En Alsace, nous travaillons notamment avec le golf du Rhin à Chalampé (Monsieur Paul Bontemps), le golf de Rougemont-le-Château, le golf des Bouleaux à Wittelsheim mais aussi le golf de Nancy, le Golf Country Club Basel en Suisse, ou encore le golf du Val de Sorne dans le Jura. En 2022, nous avons produit sur notre gazonnière un mélange spécial de semences réalisé sur-mesure et composé à 100 % de fétuque (FR1/2T, FRG) pour et en partenariat avec le golf de Rouffach et David Abercrombie, sur une surface de 5000m².
Avec le réchauffement climatique, les surfaces sportives sont de plus en plus à la recherche de gazon résistant à la sécheresse et au stress thermique. Quel impact a cette évolution du marché sur votre entreprise ?
Nous avons procédé à des essais de mélanges composés de 80 % de fétuques rouges/fétuques élevées en raison de leurs faibles besoins en eau lors des périodes chaudes. Plusieurs professionnels nous ont fait des retours plus positifs sur un mélange composé à 50 % Ray-grass et 50 % paturin que sur notre mélange à base de fétuques. A des fins d’expérimentation, nous testons chaque année plusieurs compositions de gazon sur cinq parcelles d’essais afin d’identifier les mélanges les plus adaptés qui serviront à produire le gazon “de demain”.
Comme se déroule la fertilisation ?
Nous n’utilisons que des engrais solides à libération lente, qui se diffusent sur une durée de 4 mois. Nous apportons entre 200 et 240 unités d’azote à l’année réparties entre février et septembre. Nous procédons à des essais sur des engrais organiques, des acides fulviques ainsi que des agents mouillants. Nous réalisons des carreaux d’essai, avec et sans ces produits, afin d’analyser si leur utilisation permet de réduire la fertilisation ou la fréquence de tonte, de favoriser la croissance racinaire ou le tallage, etc. Nous échangeons beaucoup avec les semenciers concernant l’utilisation de leurs mélanges. Nous échangeons beaucoup avec notre partenaire semencier pour avancer ensemble ainsi qu’avec les acteurs des terrains de sport par rapport à nos retours d’expériences.
Vos zones de production sont-elles touchées par des maladies ou des adventices ?
Pour l’instant nous n’avons observé ni maladies ni ravageurs car le gazon est récolté encore jeune. En effet, la durée de culture de notre gazon s’étale entre 12 et 16 mois. En revanche, nous devons gérer certaines adventices comme la digitaire, le panic et le pâturin annuel.
Pour lutter face à la digitaire et le panic qui germent entre avril et août, nous utilisons le produit “Greenex EV. Mais ce désherbant ne peut être utilisé qu’au stade végétal de 1 à 5 feuilles, c’est-à-dire dans un laps de temps très court de 3 semaines. Pour le pâturin annuel, il n’y a malheureusement pas de lutte efficace. En tant que producteur d’une culture très spécifique, nous manquons cruellement d’outils chimiques et mécaniques adaptés pour lutter contre ces plantes invasives. Des tests de désherbage mécanique sont actuellement expérimentés mais ne donnent pas de résultats satisfaisants. Qui plus est, ces interventions sont lourdes en termes de main d’œuvre et de temps.
Ces plantes sont très problématiques pour nous, elles nous font défauts en termes de qualité, et nous n’avons pas d’outils efficaces pour y remédier. À chaque levée d’adventices, nous faisons remonter les informations auprès de l’Institut Ecoumène, via l’application Platform.Garden, pour alimenter le réseau d’épidémio-surveillance et montrer que ces plantes représentent un réel problème pour nous.
Avez-vous souffert de la sécheresse cet été ?
La sécheresse de l’été 2022 aura marqué beaucoup d’acteurs travaillant dans le végétal, et ne nous aura malheureusement pas épargnés. Après quatre mois de déficit pluviométrique cumulé, le gazon était soumis à de fortes contraintes thermiques. L’avantage de notre équipement d’irrigation nous a permis de combler ce déficit, tout en n’ayant pas subi de restrictions ni d’interdictions d’usage de l’eau. A cet effet, nous avons réglé les pivots d’irrigation de façon à apporter des quantités d’eau limitées au strict minimum permettant d’assurer une croissance suffisante pour le gazon. Cela s’est notamment traduit par des périodes d’irrigation réalisées uniquement la nuit, en fonction des suivis d’humidité du sol.
Après quatre ans d’existence, qu’est ce qui a changé dans votre entreprise ?
En premier lieu, notre équipe s’est agrandie et diversifiée. Au total, nous sommes une quinzaine de personnes à travailler à temps plein sur les deux sites alors qu’il y a cinq ans encore, j’étais seul sur l’activité. Notre capacité de production est plus importante pour faire face à la demande et c’est une fierté.
Quels sont vos objectifs pour l’avenir ?
Lorsqu’un nouveau marché est identifié et semble porteur, les surfaces de production de gazon s’agrandissent. C’est notamment le cas pour le marché porteur des particuliers qui jardinent et “bichonnent” leur coin de verdure ou leur terrasse engazonnée. On observe en effet une tendance récente et de plus en plus marquée de “retour à la nature” des clients. Ces derniers consacrent plus de temps à l’entretien de leur jardin, ce qui se conjugue notamment avec une augmentation de la demande en rouleaux de gazon.
L’implantation récente d’un nouveau site de production dans la région Centre permettra à terme de répondre à cette demande croissante tout en alimentant un secteur plus vaste: à savoir une zone en forme d’arc de cercle s’étendant de Reims en passant par Clermont-Ferrand et jusqu’en Haute-Savoie.