Lessivage des pelouses hybrides : Mythe ou réalité ?

Le laboratoire hollandais Lumbricus s’est intéressé au lessivage de l’azote sur les pelouses hybrides stitchées. Les premiers résultats de l’étude sont sortis.

Depuis quelques années, les pelouses hybrides, notamment les stitchées, sont de plus en plus nombreuses sur les terrains de sport professionnels. Cette solution alliant gazon naturel et fibres synthétiques a su séduire les utilisateurs par sa robustesse et son aspect esthétique régulier. Mais qu’en est-il de leur impact sur l’environnement ?

Le lessivage de l’azote est une préoccupation souvent évoquée. Les pelouses hybrides ont des besoins importants en fertilisation. Les nutriments appliqués peuvent se retrouver entrainés dans les eaux souterraines. Le débat est prégnant sur le lessivage de l’azote sur les pelouses hybrides. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce un mythe ou une réalité ?

Un laboratoire hollandais, Lumbricus, s’est penché scientifiquement sur la question. Et les premiers résultats sont intrigants.

L’étude du laboratoire Lumbricus

En 2022, le groupe de travail pelouses hybrides de la BSNC (Association industrielle néerlandaise pour le sport et l’ingénierie culturelle) a commandé une étude mécaniste sur le lessivage des nutriments sur les pelouses hybrides. La société de recherche et de conseil Lumbricus s’est chargée des études entre 2023 et 2024. Les résultats ont été publiés en novembre 2024.

L’objectif de l’étude était de recueillir de données quantitatives sur le lessivage de l’azote sur les terrains en gazon naturel et hybride et d’acquérir des connaissances mécanistiques pouvant expliquer la dynamique de l’azote dans le sol. L’analyse s’est concentrée sur différentes textures de sol avec des régimes de fertilisation différents (minérale et organique) afin de formuler des recommandations pour limiter le lessivage de l’azote.

• Texture du sol : plus la texture du sol est grossière, plus le drainage sera rapide, moins l’azote sera retenu dans la zone racinaire
• Type d’engrais : les engrais minéraux ont tendance à se libérer plus vite et de contribuer au lessivage si les plantes ne captent pas rapidement l’azote. L’efficacité des engrais organiques dépend de la température et de l’humidité
• Gestion de l’irrigation : un excès d’eau peut entrainer lessivage, encore plus sur terrain stitché avec une infrastructure de drainage avancée où l’eau et les nutriments quittent la zone racinaire plus vite

Les résultats de l’étude

Le lessivage cumulé de l’azote mesuré sur 6 semaines varie entre 0,4 et 0,9 kg N/ha, ce qui est 100 fois inférieur à la quantité totale d’azote appliquée (64 kg N/ha). En termes de lessivage, aucune différence notable n’a été observée entre le gazon naturel et hybride. Les données mesurées et les modèles hydrologiques concordent, indiquant une bonne compréhension des processus liés à l’équilibre de l’eau et des nutriments.

Concernant la production de biomasse et l’absorption d’azote, l’absorption maximale d’azote par la biomasse aérienne sur 6 semaines était de 40 kg N/ha. Aucun effet significatif n’a été noté sur la croissance des plantes ou les propriétés hydrologiques entre gazons naturels et hybrides. La fertilisation minérale favorise une production biomasse aérienne plus important que la fertilisation organique, ce qui s’explique par une disponibilité plus rapide de l’azote. Enfin, des textures de sol plus grossières réduisent l’absorption d’azote dans la biomasse aérienne.

Observations sur le type de fertilisation et la texture du sol :

• Engrais minéral : 28 % de l’azote reste dans le sol (réserve ou non utilisé) 
• Engrais organique : 35 % de l’azote reste non dissous ou non minéralisé
• 79 % de la variance dans l’absorption et le lessivage de l’azote s’explique par le type de fertilisation et la texture du sol

Les recommandations de Lumbricus

A partir des résultats de cette étude, Lumbricus livre dans son rapport quelques recommandations pour limiter le lessivage de l’azote sur les terrains naturels et hybrides. Sur les schémas de fertilisation, il est important d’ajuster le timing et le dosage, de calculer les quantités et les moments d’application optimaux en fonction des besoins des plantes et de la disponibilité des nutriments. Enfin, l’analyse de la disponibilité des nutriments en tenant compte des interactions produit-sol-climat est conseillée.

Concernant les approches spécifiques aux produits, Lumbricus recommande d’étudier la solubilité des produits minéraux dans des conditions représentatives sur le terrain plutôt qu’en laboratoire. Pour les produits organiques, il faut poursuivre les recherches sur la minéralisation.

Enfin, il est conseiller d’utiliser des modèles calibrés pour optimiser l’irrigation et réduire le lessivage

Conclusion

Les recherches menées par Lumbricus montrent que les terrains stitchés et les terrains naturels ont des comportements similaires en matière de lessivage d’azote dans la mesure où les conditions de gestion restent comparables (type de sol, fertilisation, irrigation). Il n’y a pas de différence significative dans le lessivage entre les deux types de surfaces lorsque la texture du sol et l’irrigation sont correctement contrôlées.

Thomas Evers (Lumbricus) : « De manière intéressante, il s’avère que le gazon hybride n’a pas d’impact significatif sur l’hydrologie ou l’absorption/le lessivage des nutriments. Encore plus surprenant, aucun lessivage n’a été observé !

Nous avons pris toutes les mesures possibles pour favoriser le lessivage au cours de l’étude, mais cela ne s’est tout simplement pas produit. Par la suite, nous avons discuté avec des municipalités et des clubs de football, et ils ont rapporté avoir observé des résultats similaires sur leurs terrains. Des résultats vraiment fascinants. »

Les résultats complets de l’étude (version néerlandaise) en CLIQUANT ICI.