Mécaniciens de golf : Un engrenage essentiel qui se fait rare
Publié le 20 mars 2025 à 16h30
Catégorie : Pratiques
Derrière chaque belle bande de tonte se cache une machine bien entretenue. Le rôle du mécanicien sur les parcours de golf est important : il est le garant de la performance du parc matériel. Véritable denrée rare sur le marché du recrutement, le mécanicien est un véritable technicien dans l’ombre des intendants et des jardiniers.

Que faut-il pour tondre au mieux les surfaces de jeu d’un parcours de golf ? De bonnes tondeuses, en bon état. C’est le rôle principal du mécanicien de golf : veiller à la qualité et à la performance du parc matériel pour assurer un entretien optimal du parcours. Considéré comme un métier de l’ombre dans la filière, avoir un mécanicien sur un golf est devenu un véritable luxe tant les bons profils se font rares. Et pour cause, ce métier exige des connaissances multiples et précises, et un certain sens logique.
Un maillon essentiel de la qualité du parcours
Le mécanicien de golf a pour mission de garantir le bon fonctionnement du matériel pour l’entretien du parcours. Pour tous les intendants, il occupe un rôle crucial. « La qualité du parcours ne dépend pas uniquement des opérateurs, mais aussi du mécanicien. Son écoute, son bon sens, sa rigueur et son habileté avec les différents outils sont autant de qualités qui permettent d’atteindre un haut niveau d’exigence. Il joue un rôle clé dans la mise en place du plan d’entretien du parcours. Certaines opérations ne peuvent être réalisées que si le matériel est fonctionnel au moment voulu », explique Stephen Leoty, l’intendant du Golf d’Aix-les-Bains.
Son mécanicien, Romain Barthelon, occupe ce poste depuis 3 ans. Il travaillait auparavant dans la mécanique des poids lourds et s’est formé aux spécificités du golf sur le terrain, aux côtés de son greenkeeper. Son quotidien consiste à entretenir les machines et prévenir les pannes, en apportant une attention particulière à l’affutage des lames, crucial pour préserver la santé du gazon.
Parcours de vie similaire pour Théo Blanchet, 32 ans, mécanicien du Golf de Pulnoy (54) depuis 3 ans. Diplômé en mécanique automobile, avec des expériences dans la mécanique navale et industrielle, il a également appréhendé le golf sur le tas, en étudiant les particularités de chaque machine et en s’aidant des manuels constructeurs. « Cela demande du temps avant de connaître toutes ces particularités, mais cela aide grandement pour les entretiens hivernaux et les réparations en cours de saison », avoue-t-il.

Les exigences du métier
Le mécanicien et l’intendant entretiennent une relation essentielle au bon fonctionnement d’un golf. Leur collaboration est quotidienne, leur confiance doit être mutuelle. Le mécanicien veille à ce que le parc matériel soit en parfait état de fonctionnement pour répondre aux exigences fixées par l’intendant.
« Cela consiste à réaliser les entretiens périodiques, comme les vidanges, trouver l’origine d’une panne, par exemple électrique, ou encore remplacer des pièces défectueuses, comme un roulement ayant du jeu. Il y a aussi une grosse part de travail administratif, comme la commande et gestion d’un stock de pièces ou le suivi d’un historique pour chaque machine », détaille Théo Blanchet.
Le mécanicien est la personne la plus à même de connaître chaque machine du golf. Il est naturellement la personne la plus habilitée à former les opérateurs sur l’utilisation de ces machines et leur nettoyage. « La formation à la bonne utilisation des machines par l’équipe terrain est aussi très importante pour leur durée de vie », rappelle Théo Blanchet. Certains intendants attendent de leur mécanicien cette part managériale : il doit former les équipes à bien utiliser le matériel. Et cela passe par une bonne communication pour définir avec l’équipe terrain les priorités et les exigences de l’utilisation de chaque machine.
« Pour exercer ce métier, il faut être rigoureux et minutieux, notamment sur les réglages des éléments de tonte, et surtout avoir un bon sens logique », estime Romain. « Il faut aussi avoir de bonnes bases en mécanique, électricité (voir électronique), hydraulique et thermique. Je dirais qu’à force d’étudier des systèmes différents, on acquière des réflexes qui permettent de comprendre plus rapidement et facilement les nouveaux systèmes que l’on découvre, comme lors de l’arrivée d’une nouvelle machine », complète le mécanicien de Pulnoy. « Il faut également être très réactif et ingénieux lors des pannes en cours de saison. Savoir improviser avec les moyens du bord pour dépanner rapidement, afin que la machine puisse reprendre son travail. Puis, dans un second temps, organiser une réparation plus durable, lorsque la machine est disponible », poursuit-il.
Autant d’éléments que connait très bien Eric Barthassat, le très expérimenté responsable mécanique du Golf & Country Club de Bossey depuis 13 ans. Pour lui, la polyvalence dans les différentes taches (affutage, hydraulique, électricité, mécanique générale et mécanique de précision, soudures) est un pré-requis pour être un bon mécanicien.
Comment maximiser la durée de vie de son parc matériel ?
Nous avons demandé aux mécaniciens quel était le secret pour maximiser la durée de vie de son parc matériel.
Pour Romain d’Aix-les-Bains : « La durée de vie du matériel repose avant tout sur un entretien régulier et préventif, que j’effectue chaque hiver ».
Pour Eric Barthassat, mécanicien au Golf Country Club de Bossey, « il faut 4 choses essentielles : un mécanicien réactif et à l’écoute, présent au briefing des jardiniers ; faire une mécanique préventive ; avoir une vision constante sur la qualité de coupe, la prévention de pannes et le graissage ; négocier un budget minimum en pièces détachées et un juste plan de renouvellement du matériel. »
Son homologue du Golf de Pulnoy le rejoint complètement sur la mécanique préventive. « Je pense que la clé c’est surtout le temps qu’on lui consacre pour son entretien et cela va forcément avec l’argent investi. C’est pourquoi, consacrer du temps à la mécanique préventive est la meilleure option pour, à long terme, économiser du temps et de l’argent. Une panne non prise en compte rapidement peut en engendrer d’autres. Ici, à Pulnoy, je fais énormément de mécanique curative et délaisse, par manque de temps, le préventif. Cela devient donc, malheureusement, un cercle vicieux », conclut-il.
S’adapter aux évolutions technologiques
Être mécanicien sur un golf, c’est aussi savoir faire preuve d’adaptabilité dans un domaine où les innovations technologiques sont nombreuses. Les progrès techniques sont fulgurants au niveau du matériel, à tel point qu’il est parfois difficile voire impossible de suivre pour les mécaniciens.
« Nous sommes passés à des machines avec de plus en plus d’électronique embarquée où nous devenons de plus en plus dépendants des constructeurs et des concessionnaires », constate Eric Barthassat. Même son de cloche du côté de Pulnoy : « Les constructeurs ne nous facilitent pas la tâche, tout comme au personnel formé travaillant dans leur service de maintenance après-vente. L’électronique est présente depuis plusieurs années dans l’univers mécanique ; je pense qu’à mon échelle, nous n’aurons jamais les outils directs pour réparer les problèmes électroniques. Tout se fait par le biais du constructeur, ce qui engendre beaucoup de frais et de logistique. »
Parmi les grandes transformations récentes de la filière qui symbolise le progrès technique, nous pouvons citer l’exemple des robots. Les golfs d’Aix-les-Bains et de Pulnoy, ont vu arriver des flottes de robots-tondeuses sur leur parcours. « L’arrivée des robots a quelque peu bousculé mon emploi du temps : il a fallu s’adapter les premiers mois, mais aujourd’hui, c’est devenu une routine. Chaque jour, je fais le tour des robots pour m’assurer que tout fonctionne bien et qu’aucun problème n’est survenu », raconte Romain. Pour Théo Blanchet, même si l’installation des robots n’est pas encore maitrisée à 100 % pour diverses raisons, elle devrait impacter son organisation. « Dans l’idée, au lieu d’entretenir une tondeuse fairway 7 éléments, je n’aurai qu’à nettoyer et changer les lames des robots environ une fois par semaine », résume-t-il.
Une denrée rare
La filière de l’entretien des parcours de golf rencontre de grandes difficultés à recruter du personnel. Ce constat est encore plus criant lorsqu’il s’agit de trouver un mécanicien de golf, ce qui semble assez logique tant le matériel à entretenir et réparer est spécifique. Pour Stephen Leoty, cette polyvalence mécanique recherchée est une des raisons des maux de recrutement. « Le mécanicien peut être amené à travailler sur de l’électricité embarquée (tondeuses hybrides et électriques), de l’hydraulique, l’affûtage des éléments de coupe, ainsi que sur des réparations plus orientées vers le matériel agricole, comme les tracteurs (ex : réparation de boîte de vitesses ou de systèmes à trois points). Il peut également entretenir le petit matériel d’espaces verts (tronçonneuses, débroussailleuses, etc.). Cela représente de nombreux critères à remplir pour un recrutement, rendant ainsi la tâche difficile, car peu de personnes sur le marché de l’emploi possèdent ces prérequis », explique-t-il.

Si l’on renverse l’équation, une telle polyvalence exigée peut aussi repousser certains mécaniciens. « Le fait que le mécanicien doit participer de temps en temps à l’entretien du terrain, peut fortement dissuader les mécaniciens passionnés », estime Théo Blanchet. Les plus férus de mécanique n’ont pas forcément l’envie réaliser des tâches de jardinier.
Pour Eric Barthassat, le problème est bien plus profond. Les métiers manuels, dont celui de mécanicien, ont été trop délaissés par les politiques. Il faut redonner l’occasion aux jeunes de se prendre de passion pour ces professions, et ce très tôt dans le cursus scolaire. « Nous devrions favoriser la découverte des métiers manuels avec des stages en situation dans le cursus scolaire dès le plus jeune âge (10 ans). Il faut faire découvrir une passion plutôt que d’imposer à certains jeunes des filières générales. La démotivation politique et le fait d’avoir délaissé les métiers manuels tels que mécaniciens amènent à cette situation de carence de professionnels de la mécanique », lance-t-il.
« Je pense que ce métier est devenu une denrée rare, car il est peu connu. Moi-même, avant d’intégrer le milieu du golf, je n’aurais jamais imaginé qu’il y ait autant de travail en mécanique dans ce secteur. Et je ne regrette vraiment pas d’avoir tenté ma chance, car c’est un métier passionnant ! », s’enthousiasme Romain Barthelon.
Métier rare et précieux, être mécanicien de golf c’est savoir tirer la meilleure partie du parc matériel à disposition de l’équipe terrain. Véritables experts de la mécanique, éléments polyvalents, parfois débrouillards et souvent ingénieux, les mécaniciens de golf peinent à trouver leur relève. Un problème qui pourrait bien se montrer de plus en plus préoccupant, à l’heure où les opérations mécaniques sont de plus en plus nombreuses et les machines de plus en plus évoluées.