Greenkeeper français à l’étranger : Noelick Gourgand, à la conquête des Etats-Unis
Publié le 4 avril 2025 à 10h00
Catégorie : Pratiques
Diplômé au CFPPA des Flandres à Dunkerque, passé par l’Ohio State Program, Noelick Gourgand est aujourd’hui assistant superintendant au Grand Cypress Golf à Orlando. Un rêve américain très formateur.

Bonjour Noelick, peux-tu te présenter ?
Je suis Noelick Gourgand, j’ai 31 ans, je suis assistant superintendant au Grand Cypress Golf d’Orlando. Je suis originaire du bassin Mantois dans les Yvelines (78). Je suis un passionné de sport et plus particulièrement les sports d’extérieurs. J’ai commencé à jouer au golf à 16 ans et obtenu mon meilleur handicap 2,1 à 18 ans.
Quel est ton parcours ?
J’ai commencé ma carrière dans ce domaine par hasard ! Je me revois tout minot en entretien d’embauche en face de Jean Charles Desmond (ex-intendant du Golf du Prieuré, Sailly 78). J’ai ainsi pu passer deux étés dans les massifs de rosier à désherber au râteau en main pour la maintenance quotidienne des bunkers. Cela m’a permis également de jouer gratuitement et de m’entrainer sur une structure beaucoup plus qualitative que mon jardin ! Par la suite, j’ai obtenu un BTS Electrotechnique (en lequel je n’avais pas grand intérêt) qui n’a été pour moi qu’une porte d’accès à la formation intendant de parcours au CFPPA des Flandres à Dunkerque.
J’ai effectué la session 2014-2016 en alternance au Royal Mougins Golf and Resort en traversant la France pour suivre ma formation théorique dispensée à Dunkerque. Peu après, j’ai voulu en savoir plus sur les coulisses de la préparation des tournois professionnels et j’ai postulé pour le Travelers Championship (PGA Tour) et le Trophée Hassan II (European Tour).
Diplôme en poche, j’ai mis les voiles vers Toronto pendant 1 an où j’ai travaillé au Rosedale Golf Club sous la houlette de Jeff Stauffer (superintendant). Jeff a ensuite appuyé ma candidature à l’Ohio State Program, non sans mal…
Après un appel téléphonique de Jeff à Mike O’keefe, ma candidature a été refusée. Jeff, bouche-bé, avec qui je travaillais depuis 10 mois, a pris le dossier en main et a fini par trouver une porte d’entrée au programme sous une seule condition : partir en Australie et travailler auprès de Mitch Hayes, un ancien élève de Mike, superintendant du Brisbane Golf Club. J’ai donc fait 6 mois de test concluant pour enfin accéder à l’Ohio State Program.
Mon premier club en tant qu’interne fut Merion Golf Club (superintendant : Paul B. Latshaw) puis Austin Country Club (superintendant : Bobby Stringer). Deux pointures en termes de greenkeeping aux Etats-Unis. J’ai ainsi pu participer à la préparation du Memorial Tournament et du WGC Dell match-play.
Les golfs sur lesquels il a travaillé :
- A temps plein :
- Rosedale Golf Club
- Brisbane Golf Club (ISPS Handa Australian Open host)
- Merion Golf Club
- Austin Country Club (WGC Dell match-play host)
- Grand Cypress
- En tant que bénévole en préparation de tournoi :
- Dar Es Salam (Trophée Hassan II)
- TPC River Highland (Travelers championship)
- Muirfield Village (Memorial tournament)
Pourquoi et quand es-tu parti à l’étranger ?
Cela doit être de famille, mon frère ayant sillonné le monde avant moi. Et les retours de plusieurs expatriés m’ont encouragé à partir juste après eu mon diplôme d’intendant !
Qu’est-ce qui t’a frappé en arrivant sur les parcours américains ?
Il y a d’abord le fait que chaque détail soit absolument parfait des surfaces de jeux jusqu’à la salle de pause, en passant par l’atelier mécanique et l’infrastructure en général. Tous les employés ont une grande conscience professionnelle.
Ici, il y a des millions de facteurs qui changent au quotidien ! Cela fait bientôt 2 ans que je suis en poste en Floride et pas un matin la routine ne s’est installée. Grand Cypress est un club qui se veut à la hauteur des golfs voisins depuis le rachat par Dart Investment (entre Isleworth et Bay Hill). Le prix du Green fee est revu très souvent, les influenceurs golfiques et médias sont impitoyables et la concurrence n’est pas prise à la légère…
Coté agronomique, c’est juste passionnant de constamment remodeler, entretenir, apprendre et communiquer sur le parcours auprès de nos employés.
Qu’est ce qui est radicalement différent du greenkeeping Français ?
Tout ! Ce n’est définitivement pas le même métier, même si l’herbe pousse aussi en France ! Tous les matins, je dispense le briefing durant 20 minutes pour tenir mon équipe impliquée avec un échange constant. En France ce n’est majoritairement pas le cas.
Par expérience, je peux affirmer que la vision française du greenkeeping à l’américaine se résume souvent à : “C’est facile avec 200 employés, 6 millions de dollars de budget annuel et aucune restriction phyto !” C’est totalement faux.Actuellement, avec mon senior superintendent et mentor, Ken Maltby, nous construisons un plan agronomique de fertilisation et de traitements pré émergents bien plus poussé que tout ce que j’ai connu ces 20 dernières années. Nous abordons des notions jamais vues en formation théorique, dans l’objectif de reprendre le contrôle sur des adventices devenues résistantes aux célèbres produits Specticle et Barricade — pourtant réputés pour leur action de type roots pruner.
As-tu une anecdote à raconter ?
Deux semaines après mon arrivée chez Merion dans le cadre de l’Ohio State Program, j’ai partagé avec Paul Latshaw mes incompréhensions — et quelques mésaventures — liées au comportement de Mike O’Keefe. Après m’avoir observé pendant un mois, Paul m’a confié l’une des tâches les plus sensibles et exigeantes en termes de confiance : les traitements phytosanitaires. Cela m’a non seulement mis en confiance, mais aussi placé face à une vraie responsabilité. J’ai ainsi eu la chance d’évoluer aux côtés des quatre assistants superintendants in-training et d’apprendre directement avec des gars passionnés et hyper compétents. Une immersion intense, mais formatrice !
Quel est ton regard sur la législation française, notamment sur le 0 phyto ?
Cette situation illustre parfaitement la manière dont le gouvernement français complique la productivité au lieu de la soutenir. Le seul côté positif est de pousser la recherche du côté des biostimulants. Hélas leur efficacité en comparaison des produits phytosanitaires est encore floue.
L’industrie dans laquelle nous pratiquons notre métier est plus restreinte que l’agro- alimentaire. Comme tout sénateur souhaitant marquer son passage, M. Labbé laissera son empreinte, et pourra, en toute sécurité, savourer une salade d’agrostide.
Ne soyons pas dupe, les produits phytosanitaires resteront en circulation tant que la recherche sur les produits de biocontrôle n’aura pas comblé plus de 60 ans de retard. Le seul moyen de faire un vrai pas en avant sur la recherche et de protéger la santé des Français serait d’unifier les réglementations entre notre secteur et celui de l’agriculture pour débloquer des budgets. Cela n ’arrivera jamais. La situation économique française ne permet pas de faire une croix sur 82 milliards d’euros de production agricole.
Quels sont les principaux enseignements que tu tires de ces expériences à l’étranger ?
Enormément sur le management de l’humain, sur l’entretien aussi ! J’arrive à un point de ma carrière ou chaque souvenir m’aide quotidiennement pour sortir le meilleur parcours pour nos joueurs.
Je continue d’apprendre chaque jour, mais aussi de transmettre ce que l’on m’a généreusement enseigné tout au long de mon parcours. Aux États-Unis ou en Australie, le partage de connaissances fait naturellement partie de la culture professionnelle. À l’inverse de ce que l’on observe encore trop souvent en France, où la transmission reste parfois un sujet tabou. Je suis convaincu que le manque de transparence, notamment sur les plans agronomiques ou les choix d’entretien d’un parcours de golf, est une posture typiquement française. Les superintendants réellement ouverts et partageant leurs pratiques en toute clarté sont encore trop rares.