River Plate, une pelouse qui doit inspirer l’Argentine

Publié le 29 août 2023 à 07h00

Catégorie : Pratiques

Parmi les clubs les plus emblématiques d’Amérique du Sud, River Plate est un véritable symbole en Argentine. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec Pablo Peirano, responsable de l’entretien des terrains de River Plate, concernant la gestion des pelouses du club de Buenos Aires, qui s’est grandement modernisée en 2020.

L’impressionnant Stade Monumental Antonio Vespucio Liberti s’est doté d’une pelouse moderne en 2020.

De tous les stades du monde, MAS Monumental ou Stade Monumental Antonio Vespucio Liberti est sans aucun doute l’un des plus emblématique tant par son architecture que par l’ambiance qui y règne. A l’image du club qui y réside, River Plate. Basé dans le nord de la capitale Buenos Aires, il fait partie de l’une des plus belles rivalités du monde du football avec l’autre club phare du pays : Boca Juniors.

Véritable référence en Argentine avec 38 titres de champion, River Plate fait également figure de modèle dans l’entretien de ses pelouses. Depuis 2021, El Monumental est doté d’une pelouse hybride et des systèmes SIS Air et SIS Heat, une première en Argentine. Pablo Peirano, responsable de l’entretien des terrains de River Plate, nous en apprend un peu plus sur l’entretien des pelouses du Millonario.

Pablo Peirano, une référence de l’entretien des pelouses en Argentine

Pablo Peirano n’avait pas réellement prévu de travailler dans l’entretien des pelouses de football professionnelles. Sa première expérience dans les surfaces sportives intervient dans un petit golf argentin, un chemin logique pour l’ancien golfeur professionnel aujourd’hui âgé de 49 ans. C’est en 2008 qu’il se lance pleinement dans l’entretien des terrains de football professionnel. « De base, je suis un professionnel de l’aménagement paysager. Mais ma passion pour le gazon m’a amené à apprendre et étudier sur les pelouses sportives. Petit, quand je jouais au golf, je e demandais déjà comment l’herbe était entretenue pour être si courte et si parfaite. Cette curiosité m’a amené à beaucoup lire et à côtoyer des professionnels du milieu », nous confie-t-il. Avec son entreprise Greenkeeper Argentina, qu’il a lancée il y plus d’une vingtaine d’années, il commence par travailler pour des terrains de clubs amateurs avant de décrocher son premier contrat avec une équipe professionnelle en 2012 : le Club Atletico Independiante.

Au fil des années, l’entreprise grandit et investit dans plusieurs machines d’entretien. En 2015, Pablo Peirano est nommé expert d’un groupe de 4 consultants en charge de la gestion des 8 terrains de la Coupe du Monde U17 au Chili. Après avoir été consultant pour deux autres clubs argentins, il décide d’enrichir ses connaissances en Europe en suivant une formation avec le CENEC (Centre Espagnol du Gazon). L’occasion pour lui de visiter les infrastructures du Real Madrid, du FC Barcelone, des centres d’entrainement portugais ou encore le Stade Bonal du FC Sochaux. C’est à son retour en Argentine, en avril 2019, qu’il commence à travailler pour River Plate. Aujourd’hui, il travaille également pour d’autres clubs de première division argentine tels que Gimnasia y Esgrima La Plata et Argentinos Juniors.

 

Pablo Peirano (à droite), avec les équipes de SIS Pitches lors des travaux du MAS Monumental.
Pablo Peirano (à droite), avec les équipes de SIS Pitches lors des travaux du MAS Monumental.

Le greenkeeping argentin en plein développement

En Amérique du Sud, l’Argentine accuse un léger retard infrastructurel par rapport au Brésil comme le concède Pablo Peirano : « Le Brésil s’est développé et modernisé avant nous en raison de la Coupe du Monde de la FIFA 2014 et ils en ont profité pour ajouter de la technologie et rénover des stades. L’Argentine est maintenant en train de rénover les stades et leurs terrains sur la base de l’excellent travail que River Plate a pu faire dans leur stade. »

En effet, River Plate a passé un cap en termes d’infrastructure en 2020 avec d’importants travaux menés sur le Stade Monumental Antonio Vespucio Liberti. Ces derniers impliquaient également une refonte totale de la pelouse et l’installation de nouvelles technologies pour gérer son entretien, le tout sous l’œil avisé de Pablo Peirano. « Je tiens à remercier le club de River Plate, notamment la gestion des infrastructures, qui m’a fait confiance lors de toutes les étapes de la rénovation du terrain, qui est à ce jour la plus importante de l’histoire du club », affirme-t-il.

La pelouse est de technologie hybride SIS Grass avec des graminées C4 (Bermuda Celebration) en été et C3 (Ray-grass anglais) en sursemis en hiver. Elle fait partie des 4 terrains hybrides du pays. Mais contrairement aux autres, elle est également dotée des systèmes SIS Heat et SIS Air. SIS Heat est un système de chauffage souterrain conçu pour contrôler la température de la zone racinaire et favoriser sa croissance. Quant au système d’aération souterrain SIS Air, il permet d’augmenter l’aération et d’éliminer les gaz indésirables dans la zone racinaire. Le système force le mouvement de l’air à travers le profil du sol, il crée soit un vide soit une pression.

L’installation de ces deux systèmes étaient une réelle nécessité selon le club afin de garantir un terrain de qualité malgré un climat changeant toute l’année en Argentine. « A Buenos Aires, en été les températures maximales tournent autour de 35 degrés en janvier et février, certains jours elles peuvent atteindre 37/38 degrés le jour et 24/25 la nuit. En hiver, nous pouvons avoir des minimums de 0 et des maximums de 10 degrés pendant quelques semaines. Le problème c’est qu’il y a de l’humidité », nous explique Pablo Peirano.

Le système de chauffage racinaire, en fonction de la saison, chauffe ou refroidit la zone racinaire grâce à un réseau de conduits d’eau enterré à 20 cm de la pelouse. En hiver, l’eau peut être chauffée jusqu’à 50°C, en été, elle peut être régulée à 5°C. Lors du réensemencement, la température est adaptée aux besoins de la graine.

Pas d’interdiction d’utilisation des PPP, mais une prise de conscience

Sensible aux pratiques et réglementations européennes concernant l’entretien des pelouses sportives, Pablo Peirano sait que l’utilisation des produits phytosanitaires ne représente pas l’avenir, bien qu’elle ne soit pas réglementée en Argentine. « Ici en Argentine il n’y a pas autant de réglementations qu’en France. De nombreux produits agrochimiques peuvent encore être utilisés, mais nous savons que la nouvelle réglementation arrivera bientôt. C’est pourquoi je regarde toujours le chemin que prennent mes homologues en Europe », avoue-t-il. La totalité des produits phytosanitaires utilisés sont à usage agricole, il n’y a pas de gamme de produits phytosanitaires destinés aux gazons sportifs en Argentine.

« Nous utilisons des fongicides 4 à 6 fois par an en moyenne, car ici à Buenos Aires en automne nous devons réensemencer/sursemer avec du Lolium perenne puisque nous sommes dans une zone de transition et depuis quelques mois il y a des conditions climatiques favorables à certaines maladies. Il y a quelques années, nous avons commencé à utiliser les mycorhizes et les trichodermes pour essayer de réduire l’utilisation de fongicides », ajoute-t-il.

 

Une politique importatrice qui pose problème

Les groundsmen argentins doivent composer avec d’importantes restrictions concernant les importations. En effet en Argentine, tout achat à l’étranger est soumis à déclarations préalable auprès des autorités pour statuer sur son autorisation. « Nous rencontrons actuellement des problèmes pour importer tout produit (machines ou fournitures) en raison des politiques de commerce extérieur du gouvernement. Donc on fait avec ce qu’on a », regrette Pablo Peirano. Heureusement pour lui, son entreprise avait déjà constitué un parc matériel assez conséquent pour pouvoir mener des opérations d’entretien sur des pelouses professionnelles. Elle est à l’heure actuelle la seule entreprise du pays capable de rénover des terrains naturels ou hybrides avec la Koro TM par exemple. Ces restrictions d’import concernent tout type de machine, voilà plus d’un an que Pablo Peirano a demandé l’importation de 2 Topdressers, celle-ci n’a pas été autorisée. Cette barrière pourrait bien freiner le développement de la filière qui semble s’enclencher en Argentine et pourrait empêcher les professionnels du secteur à renouveler leur parc matériel comme ils l’entendent, d’autant plus lorsque l’on sait que la plupart des machines viennent des Etats-Unis.

Corentin RICHARD

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