Salonvert 2018 [4/4] Pierre Joly (Le Souffle Vert): « Nous avons de belles pelouses en France ! »

Publié le 12 novembre 2018 à 13h07

Catégorie : Paroles d’experts

Rencontré sur Salonvert, Pierre Joly nous fait part de ses missions au sein du groupe Soufflet, dont l’une consiste à conseiller les intendants de terrains de sport professionnel. Il s’intéresse également aux agents des espaces verts communaux, tout aussi désireux de monter en compétence selon lui, et travaille à structurer les gammes de produits Le Souffle Vert en conséquence.

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter le Groupe soufflet ?

Il s’agit du premier négoce Français en Europe (à capitaux familiaux – ndr) dans le domaine céréalier, qui compte plusieurs divisons (agriculture, vigne, négoce international de céréales, riz & légumes secs, biotechnologies, meunerie, boulangerie industrielle, malterie). Le Souffle Vert, porté par la division vigne, est une marque dédiée aux métiers des espaces verts : terrains de sports, paysage et collectivités, horticulture.

Quel a été votre parcours au sein de l’activité Le Souffle Vert et quelles y sont vos fonctions ?

Je suis entré dans le Groupe Soufflet il y a plus de dix ans en tant que chef de produits. J’occupe actuellement la fonction de responsable technique. Ce poste a notamment pour missions de viser la législation, d’élaborer les argumentaires produits avec des fournisseurs, de tester lesdits produits, de former techniquement nos équipes technico-commerciales et d’aider à résoudre les problématiques pointues de nos clients. Ma dernière mission consiste à suivre les terrains de sport de haut niveau. Par conséquent, je suis assez présent sur les terrains de football (Ligue 1 et Ligue 2) et de rugby (Top 14 et Pro D2). J’échange sur des solutions et conseils avec les intendants des terrains concernés. J’anime également une équipe de référents internes « terrains de sports et golfs » régionaux pour répondre au plus vite et avec expertise à l’exigence de ces clients hyper pointus.

De par cette mission ciblant spécifiquement les terrains de sport, votre poste a-t-il été créé sur-mesure pour s’adapter aux nouvelles exigences du haut niveau ?

Mon poste n’a pas été créé sur-mesure : l’équivalent existe dans chaque division « agro » du Groupe Soufflet. C’est conforme à la volonté de notre président (Jean-Michel Soufflet, président du Directoire du groupe – ndr) de ne pas vendre des produits dont l’efficacité sur le terrain n’a pas été éprouvée au préalable et d’être à la pointe de l’innovation. Ma tâche répond donc à une triple logique : vérifier l’intérêt et le positionnement technique des produits (semences, engrais, biostimulants, produits de protection des plantes) pour l’utilisateur final, faire monter en compétences techniques notre force de vente, aider à résoudre des problématiques terrain au quotidien.

Pour vos produits, comment procédez-vous en matière de sourcing ?

Nous travaillons en amont et de manière étroite avec les fabricants (France, Europe, USA), qui nous fournissent alors leurs produits, que nous commercialisons ensuite sous la marque Nutrivert® pour les fertilisants et Technistar® pour les semences à gazon. Il nous arrive également de travailler encore plus en amont sur le dossier de demande d’homologation d’un produit. Cela nous permet ainsi de commercialiser des produits qu’on ne retrouve pas ailleurs et qui manquent au marché, comme ce fut le cas pour Nutrivert® V Fulva. C’est un produit qui a été testé par nos soins, et que j’aime beaucoup à titre personnel car il permet de créer des racines sans excès de phosphore et qu’il est utilisable en agriculture biologique.

Les terrains de sport de haut niveau représentent somme toute un marché de niche : n’est-ce pas se donner beaucoup de peine d’y consacrer spécifiquement une partie de vos forces de vente ?

En effet, en première approche, on ne compte guère qu’une cinquantaine de terrains de haut niveau (L1/L2/Top 14/Pro D2). Mais ce serait voir le marché par le petit bout de la lorgnette. Il ne faut pas oublier les golfs. Par ailleurs, les personnels des communes, qui officient sur des milliers de stades, cherchent eux aussi à monter en compétence grâce à des solutions en cohérence avec leurs budgets, afin de répondre à des exigences environnementales de plus en plus élevées (moins de produits phytosanitaires, moins d’eau, fertilisation avec des produits utilisables en agriculture biologique…). Ce sont ces communes qui font le gros du marché mais par de petites quantités sur chaque terrain. Elles n’ont pas les budgets dont disposent les grands clubs de Ligue 1 ou de Top 14, mais c’est par elles que nous sommes amenés à créer des gammes de produits cohérentes, permettant de travailler sur chacun des points contribuant à la bonne santé de la plante. Le temps est la première contrainte des agents communaux. S’ils ne peuvent faire du « spoon feeding » (fertilisation « à la cuillère », hyper-précise), ils se servent de la fertilisation liquide de manière ponctuelle pour une solution très ciblée. C’est un cercle vertueux entre les intendants des pelouses de haut niveau et ceux, tout aussi techniques, des terrains de nos villages : les terrains communaux apportent le volume et la multiplicité des contraintes (par le nombre de terrains), les grands stades permettent d’affiner les préconisations sur des sols plus « réactifs » ! L’exigence est à tous les niveaux.

Justement, il est beaucoup question de fertilisation liquide à l’endroit des terrains de haut niveau. S’agit-il d’un simple effet de mode ? Ou bien d’un élément indispensable de l’attirail des intendants de terrains de grand jeu ?

À mon sens, la fertilisation liquide est une tendance qui va durer, parce que les terrains sont de plus en plus sollicités (et pas que par le sport), que le climat est en train de changer, et que les intendants ont la volonté de monter en compétence. Les habitudes doivent évoluer, car le climat change : il suffit que la température augmente un peu, de continuer à arroser et l’équilibre de la plante est rompu. L’épisode de pyriculariose de cet été en a apporté l’illustration : la question n’est plus de savoir comment on traite, mais plutôt de savoir comment anticiper la maladie. Le sujet a fait boule de neige dans la presse, mais en France, il n’y avait pas tant de terrains touchés que cela.

Aux États-Unis, la pyriculariose est aujourd’hui un sujet de moindre importance: les intendants ont travaillé sur les espèces résistantes, les systèmes d’arrosage, sur « la somme des détails » qui, s’ils n’empêchent pas forcément la maladie, permettent de la limiter, de la retarder. Cela passe entre autres par la fertilisation liquide, le renforcement des cellules végétales, l’anticipation. Cette maladie est récente chez nous, mais aujourd’hui j’assure le suivi de terrains qui n’ont pas été touchés ou qui ont résisté, et qui n’emploient pas ou peu de produits phytosanitaires (une seule fois dans l’année peut suffire). L’anticipation permet de grandement limiter le recours aux produits « phytos ».

Qu’est-ce qui fait la différence dans le métier d’intendant entre la France et les pays étrangers selon vous ?

Le problème ne vient pas tant des intendants, mais d’une gestion des terrains totalement différente par rapport à ce qui peut se pratiquer à l’étranger : le modèle en France n’est pas le même que celui des autres pays. Les budgets affectés à la pelouse, les infrastructures (nombre de terrains d’entraînement en « repos » par exemple), les moyens humains ne sont pas les mêmes.

Le climat, notamment quand la presse compare les stades de l’Hexagone avec ceux de nos amis d’outre-manche, est lui aussi un facteur différenciant. Et les intendants français méritent d’être plus consultés, respectés et écoutés, puisqu’ils ont cent fois les compétences nécessaires ! Globalement nous avons de belles pelouses en France ! Les intendants sont quasiment tous des jeunes, formés, des passionnés à la recherche de solutions permanentes, capables de s’adapter aux exigences de leur terrain et à celles de leur club.

crédit photo: Idir Zebboudj

Rédaction GSPH24

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