[Débats d'idées] Alain Dehaye: "Si tous les acteurs de la filière jouent le jeu sans hypocrisie, on pourra progresser"

Publié le 30 octobre 2019 à 12h21

Catégorie : Paroles d’experts

Pour poursuivre notre série de tribunes « zéro % phyto, 100% mytho? », voici cette semaine la seconde partie des réponses d’Alain Dehaye, expert indépendant et gérant du bureau de conseil Les Ateliers du Golf.

 

 

La première partie de l’entretien est disponible ici.

Que vous inspire la situation en Belgique, où les intendants de terrains de sport ne peuvent théoriquement plus recourir aux phytos?

Je connais la Belgique et je suis assez interrogatif sur la qualité sanitaire des golfs en particulier. Dans un environnement belge assez propice aux trachéomycoses comme la fusariose froide, je pense que c’est un exploit de garantir et contrôler des surfaces de green sans avoir recours à un fongicide de synthèse à un moment. Alors… miracle belge ? C’est un cas unique dans l’UE.

Pour information, en 2016, on utilisait en Belgique 2,10 kg de produit phytosanitaire /ha de SAU (surface agricole utile), contre 0,73 kg/ha en Allemagne et 1,15 kg/ha en France. Ne plus recourir théoriquement aux pesticides n’est que théorique, comme son nom l’indique, ce qui ne veut pas dire que rien n’est fait et cela n’enlève rien au mérite de nos collègues belges qui se battent à longueur de journées pour trouver des solutions alternatives.

La modification et l’évolution climatique est également une donnée à intégrer, sans parler de l’adaptation des parasites et des phénomènes de résistance aux fongicides notamment. Si la population des joueurs est prête à pratiquer sur des terrains moins préparés par moments, moins sophistiqués, et si tous les acteurs de la filière jouent le jeu sans hypocrisie, on pourra progresser sans aucun doute.

En France, la différence pédoclimatique est telle entre les régions que cette idée ne peut être envisagée qu’au cas par cas. Pour l’heure, et selon les situations, la pression sanitaire est tellement forte par moments que la maîtrise des infestations n’est possible qu’avec un encadrement phytosanitaire adapté et mesuré. D’ailleurs, des progrès importants ont été réalisés dans le secteur gazon sportif sur l’utilisation des produits phytos, leur mise en œuvre et leur gestion au quotidien.

C’est donc une étape vers moins de produits et vers la diminution des intrants, et une stratégie globale qui intéresse toutes les composantes du système. Il en est de même pour les stades ou la gestion de l’arrosage et du couple air-eau a une incidence déterminante sur le parasitisme estival par exemple.

Arriver à maîtriser les temps de jeu et de récupération des surfaces est obligatoire pour limiter les agressions biotiques et abiotiques.

Comment jugez-vous l’évolution de la réglementation française? La filière « terrains de sports » parvient-elle à faire valoir ses doléances ?

Il faut réglementer car il faut un cadre à l’utilisation des intrants. En revanche, il est impératif de tenir compte des spécificités des métiers et des réalités de terrain. Les objectifs techniques sont clairement définis, mais à replacer dans leur situation propre. Et les intendants sont parfaitement conscients des risques. Les organisations professionnelles comme l’AGREF – Ecoumène Golf et Environnement mènent un vrai travail de fond pour la reconnaissance des particularités du secteur gazon sportif.

Quelles peuvent-être les solutions pour pallier le recours aux phytos? Arrosage? Parcours mettant plus l’accent sur la prophylaxie? Gestion affinée de l’arrosage? etc.

Les solutions alternatives et prophylactiques pour pallier l’utilisation des produits phytosanitaires sont multiples et complémentaires, mais il ne faut en aucun cas comparer une méthode chimique éradiquant des parasites avec une autre, basée avant tout sur la prophylaxie et la prévention. Il faut reconsidérer la lutte dans sa globalité et l’inclure dans le programme général de maintenance.

Le traitement devient ciblé et intégré dans les grandes phases de la vie du végétal. Les produits de stimulation des plantes en sont un bon exemple car ils permettent d’augmenter la résistance des plantes aux stress abiotiques et d’en diminuer les effets négatifs. Ils sont également soumis à homologation. Les programmes de maintenance doivent donc travailler les trois points spécifiques que sont la protection des plantes, la prévention du stress et l’alimentation végétale. De même, beaucoup d’intendants utilisent des produits inorganiques de protection des plantes ou des antioxydants dans leur programme.

Dans tous les cas, de bonnes connaissances de physiologie végétale sont nécessaires pour réaliser des choix précis et justifiés dans la jungle des produits que l’on retrouve sur le marché. Car il existe assurément de meilleurs produits que d’autres. C’est vrai sur certains produits organiques par exemple, ou sur des formulations de solutions miracles vendues par des commerciaux prescripteurs.

Les stratégies à utiliser sont à replacer dans l’équilibre entre la défense et la croissance de la plante. On découvre chaque jour de nouvelles données sur la cognition végétale, ce qui permet de mieux comprendre les réactions et sensibilités aux parasites, et en particulier dans les sols sportifs. Des formations spécifiques sur ces thèmes sont organisées régulièrement par les organisations professionnelles. Enfin, l’aide d’un consultant indépendant permet de mettre en place un itinéraire technique spécifique en réalisant des choix précis de produits afin d’engager une démarche pratique de réduction des produits phytosanitaires. C’est particulièrement d’actualité dans cette période de grandes interrogations et de défis techniques.

redaction.gsph24atprofieldevents.com (Idir Zebboudj)

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Rédaction GSPH24

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