Arnaud Bovagnet : "Je pense qu'il n'est pas possible de faire du zéro phyto mais il y a cependant des alternatives …"

Publié le 19 mars 2020 à 06h00

Catégorie : Pratiques

Nous poursuivons notre série de tribunes « zéro % phyto, 100% mytho ? » avec, cette semaine, la réponse d’Arnaud Bovagnet, l’intendant du Matmut Stadium (stade du Lou Rugby).

Nous avions rencontré Arnaud Bovagnet, l’intendant du Matmut Stadium (stade du Lou Rugby), qui, dans cette première partie de l’interview, revenait sur son parcours personnel, son rapport avec les parties prenantes du club et les principales différences d’entretien entre les technologies utilisées sur les pelouses des terrains de sport. Aujourd’hui, Arnaud Bovagnet répond à notre question »zéro % phyto, 100% mytho ? » faisant l’objet denotre série de tribunes. Il revient également sur la façon dont est entretenu le gazon du Matmut Stadium.

Quel est le substrat utilisé ici au Matmut Stadium ?

C’est un substrat un peu complexe puisque nous sommes sur une base de Terrafoot, à laquelle il a été rajouté par-dessus une couche de sable amendé avec un placage posé par-dessus il y a 7 ans. C’est contraignant au quotidien, car du fait d’avoir ces couches superposées, nous avons un phénomène de cisaillement important et ce, surtout l’hiver quand le système racinaire est moins développé. Nous essayons de compenser toute l’année par des opérations mécaniques et des fertilisations racinaires adaptées, mais l’hiver reste tout de même la période la plus compliquée.

Comment s’organise une semaine type d’entretien de la pelouse du Matmut Stadium ?

Après un match, nous démarrons par la remise en état du terrain. Pour cela, nous allons travailler mécaniquement pour enlever tout le déchet dû au match. Ensuite une remise en état des gros arrachements doit être faite pour permettre une reprise plus rapide.Les fréquences de tonte à l’hélicoïdale dépendront de la saison et de l’utilisation du terrain. Puis, nous faisons plusieurs opérations mécaniques tout au long de la saison en fonction de l’utilisation du terrain: des opérations de surface telles que des défeutrages, des top-dressings et des opérations plus en profondeur avec des aérations à pointes où a louchet sont effectuées en fonction de la saison. Toutes ces opérations vont permettre de faciliter les échanges, de renforcer le gazon et de mettre dans les meilleures conditions le système racinaire pour un meilleur développement.

Zéro phyto : mythe ou réalité ?

Au vu des exigences en matière de qualité du gazon que l’on nous demande, je pense que ce n’est pas possible de faire du zéro phyto, du moins sur terrain honneur. Mais il y a cependant des alternatives qui peuvent permettre, dans un premier temps, de les réduire. Il faut faire prendre conscience à l’ensemble des utilisateurs du terrain qu’il faut être vigilant. En instaurant des mesures simples, comme par exemple en se désinfectant les pieds, nous allons réduire le risque de maladies et donc limiter le recours de produits phytosanitaires.Être méticuleux et précis avec son arrosage tout au long de l’année, faire le choix des bonnes variétés de gazon en fonction de la saison, sont également des actions à mener. Nous devons aussi préconiser l’utilisation de biostimulants et de produits qui permettent d’apporter un plus sur tout le travail que nous pouvons réaliser en amont sur le terrain. Grâce à cela, nous avons d’ailleurs constaté cette année que toutes les actions que nous avons menées nous ont permis de réduire l’utilisation de ces produits, que ce soit en préventif ou curatif.

Si l’on baisse les critères exigés en terme de qualité du gazon, serait-il possible de faire du zéro phyto ?

Je pense que, même si l’on baissait ces critères, il serait tout de même difficile de faire du zéro phyto. Si l’on ajoute à cela l’intensité du jeu, la hausse des températures et les écarts que l’on peut avoir, ça fait beaucoup de contraintes pour arriver à du zéro phyto. Peut-être que plus tard nous aurons de nouvelles solutions. C’est ce que nous espérons. Mais pour l’instant, comme je les dis plus haut, il faut faire avec toutes les solutions que nous avons à disposition et agir par étape en ayant déjà une baisse régulière de ces produits.

Comment se déroule justement votre plan de fertilisation ?

Cette année, je suis sur 70% de liquide et 30% de solide. J’ai obtenu de bons résultats et je n’ai eu que très peu d’attaques de maladies. Je pense que cela peut également aller dans le sens du zéro phyto. En effet, je pense qu’il faut adapter son plan de fertilisation pour ne pas avoir des choses qui ne correspondent à l’environnement du terrain. Au niveau des produits phytosanitaires, j’essaye de plus en plus de les réduire dans la mesure du possible. J’effectue cela en agissant plutôt sur le renforcement du gazon afin de le mettre dans des conditions l’aidant à lutter de lui-même avec les éventuelles maladies. Nous pouvons parler de préventif mais sans fongicides.

Quelles sont les dernières maladies qui ont attaqué la pelouse ?

La pyriculariose nous attaque depuis deux étés mais, cette année, l’avantage c’est que nous sommes sur des périodes de redoux. Tout le travail que nous avons effectué sur la feuille nous a permis de ralentir la maladie et de la cantonner à des zones précises. De ce fait, nous avons limité les passages de fongicide. De plus, le club nous a beaucoup aidé puisqu’il a accepté de laisser le terrain en quarantaine pendant trois semaines sans aucun joueur avant le début de la saison. Cela nous a évité aussi la propagation de la maladie.

Quels conseils donneriez-vous à vos confrères pour faire face à ces maladies ?

Je dirais qu’il faut faire ce que j’expliquais tout à l’heure. C’est à dire renforcer son gazon bien avant les pics des éventuelles maladies, être vigilant au quotidien en vérifiant la bonne désinfection des différents utilisateurs du terrain et établir un dialogue avec l’ensemble des intendants et des joueurs qui sont susceptibles d’aller sur le terrain.

redaction.gsph24atprofieldevents.com (Lucas Sanseverino)

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Rédaction GSPH24

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